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PRÉFACE

faible, larmoyant, rêvant toujours de sa maman, de ses petits frères dont il ne sait s’ils vivent encore ou s’ils sont morts d’angoisse. Les camarades, tout en ayant pitié de lui, le méprisent, lui répétant qu’on ne doit pas lutter pour la liberté quand on n’a pas la force de volonté ou la santé nécessaires. Les prisonniers sont mal nourris et en butte à toutes sortes de vexations de la part de leurs géôliers. Poxir mettre fin à cet état de choses, ils décident la Golodowka, c’est-à-dire qu’ils ont refusé de manger[1]. Le jeune homme, tout en suivant l’exemple de ses camarades, rôde parmi eux, perplexe et malheureux. Et lorsqu’à la fin de la résistance, après plusieurs jours de jeûne, les autorités se sont faites plus douces et que la Golodowka est terminée, le jeune homme est atteint de fièvre typhoïde. Ses camarades sont auprès de lui. Il délire et ses rêves incohérents sont aussi pitoyables que le fut sa vie entière. Il parle comme toujours de ses livres préférés, de sa maman, de ses chers petits frères. Il jure qu’il est innocent et supplie qu’on lui fasse grâce. Il invoque sa patrie, la malheureuse Russie, il invoque la « chère France a dont les fils ont payé de leur sang la

  1. Les prisonniers politiques russes recourent à ce moyen suprême pour obtenir les concessions qu’ils désirent. Ce jeûne volontaire occasionne des cas de fièvre typhoïde et des décès. Généralement les autorités cèdent.