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voyage du condottière

et la volonté d’un seul en a fait le milliaire d’or, le départ de la conquête, pour tous les temps.

Je me promène dans le feu, allant de l’horizon marin à l’horizon de terre. L’enchantement des collines, c’est aujourd’hui, pour moi, que là s’ouvre le chemin de Rome ; et l’enchantement de la mer, qu’au delà c’est Pharsale, la rébellion écrasée et Cléopâtre captive.

Ce lieu brûle mes pieds, comme une flamme solide. Et sur ces pierres rousses, je laboure tous les pensers de la puissance.

Ce n’est qu’un petit ruisseau à enjamber, une écuelle à sec de terre rouge. Mais il s’agit toujours d’une action capitale, d’une tragédie où il va de la vie, d’un empire à conquérir. Il faut mesurer le pas, et le sauter. En avant !

Le ciel bleu à bandes jaunes est un signal pour la gloire de l’homme. Le galop du sang fait dans mes oreilles le tumulte des armées en marche. J’entends le marteau des sandales guerrières, les étendards au vent qui claquent, la cloche des armes qui sonnent, le rythme des cavaliers et des chariots qui roulent. Et César solitaire, à deux longueurs de cheval, précède la chevauchée.

Pousse avant, mon César. Entre dans la terre défendue, et qui t’est promise, comme la proie est due à qui peut la prendre et la garder.

Que le soleil est beau sur ton front chauve ! Que la lumière est juste entre les tempes modelées par la souveraine mesure. Tu n’as pas la tête d’une idole ni le crâne épais comme les grandes brutes du Nord, qui ne connaissent la force que dans l’excès, qui ne sentent la grandeur que dans la lourdeur du colosse. Tu es le plus puissant, et tu as la grâce de ta puissance. Tu commandes