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Page:Andre Suares Voyage du Condottiere Vers Venise, 1910.djvu/27

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voyage du condottière

avait son ménage anglais à Westminster. Il pensait à sa maison de Bâle, quand il faisait mauvais temps.

Le Christ mort est une œuvre terrible.

C’est le cadavre en sa froide horreur, et rien de plus. Il est seul. Ni amis, ni parents, ni disciples. Il est seul, abandonné au peuple immonde qui déjà grouille en lui, qui l’assiège et le goûte, invisible.

Il est des Crucifiés lamentables, hideux et repoussants. Celui de Grunwaldt, à Colmar, pourrit sur la croix ; mais il est droit, couché haut sur l’espace qu’il sépare d’un signe sublime, ce signe qui évoque à lui seul l’amour et la pitié du genre humain. Et il n’est pas dans l’abandon : à ses pieds, on le pleure ; on croit en lui. Son horreur même n’est pas sensible pour tant d’amour qui la veille. Sa putréfaction n’est pas sentie. On adore son supplice, on vénère ses souffrances. On ne lamente pas sa déchéance et sa décomposition.

Le Christ d’Holbein est sans espoir. Il est couché à même la pierre et le tombeau. Il attend l’injure de la terre. La prison suprême l’écrase. Il ne pourrait pas se dresser. Il ne saurait même pas lever la main ni la tête : la paroi le rejetterait. Il est dans la mort de tout son long. Il se putréfie. C’est un supplicié, et rien de plus, vous dis-je. Il n’est pas seulement soumis à la loi de la nature, comme tous : Il n’est livré qu’à elle. Et s’il y a eu une âme dans ce corps, la mort l’insulte.

Je cherche à lire dans la pensée de ce dur Holbein. Qu’il ait été le peintre des Réformés, on le sait, depuis l’aimable Mélanchton jusqu’à Henry VIII, le monstrueux Trimalcion de la théologie et de la royauté. Certes, Holbein tient pour Luther plus que pour Rome. Mais en secret il est contre toute église. Le profil