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Page:Andre Suares Voyage du Condottiere Vers Venise, 1910.djvu/71

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LA MÉLANCOLIE DE CRÉMONE


En juin.



C’était l’heure où le soleil se met à l’affût de la journée et tire sur les tours des flèches biaises, qui font saigner les briques.

La vieille ville a pris son air d’ardente tragédie.

La lumière immobile a eu le frisson. Le jour a cessé de brûler comme un cierge dans la clarté tranquille. Et la chaleur de juin n’était plus ce drap d’or blanc, que les clochers paraissaient tendre sur l’après-midi.

Des nuées noires surgirent du levant, et coururent à la rencontre de l’autre horizon. Un souffle de vent brusque passait, parfois, entre ciel et terre, comme pour balayer les maisons, et le calme régnait ensuite. Le soleil n’était jamais loin. Toute la fin du jour fut un long crépuscule, plein de feu et de violence. L’orage éclata soudain, vif et bref : il vint sur les tours et sur les dômes comme une bande de grands rapaces, aux ailes larges, aux plumes de pourpre et d’or noir.

Quelques vastes éclairs, dégainés en cimeterres, enveloppèrent les toits et les corniches. Les sillons de la foudre déchiraient le