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QUATRIÈME JOUR

remarqué que le jeune roi fit porter des aliments au serpent blanc sur l’autel, à plusieurs reprises, et cela me fit réfléchir beaucoup. Le petit Cupidon faisait presque tous les frais de la conversation à ce banquet ; il ne laissa personne en repos, et moi en particulier. À chaque instant il nous étonna par quelque nouvelle trouvaille.

Mais il n’y avait aucune joie sensible et tout se passait dans le calme. Je pressentis un grand danger et l’absence de musique augmenta mon appréhension, qui s’aviva encore quand on nous donna l’ordre de nous contenter de donner une réponse courte et nette si l’on nous interrogeait. En somme tout prenait un air si étrange que la sueur perla sur tout mon corps et je crois que le courage aurait manqué à l’homme le plus audacieux.

Le repas touchait presqu’à sa fin, quand le jeune roi ordonna qu’on lui remit le livre placé sur l’autel et il l’ouvrit. Puis il nous fit demander encore une fois par un vieillard si nous étions bien déterminés à rester avec lui dans l’une et l’autre fortune. Et quand, tout tremblants, nous eûmes répondu affirmativement, il nous fit demander tristement si nous voulions nous lier par notre signature. Il nous était impossible de refuser ; d’ailleurs il devait en être ainsi. Alors nous nous levâmes à tour de rôle et chacun apposa sa signature sur ce livre.

Dès que le dernier eut signé, on apporta une fontaine en cristal et un petit gobelet également en cristal. Toutes les personnes royales y burent, chacune selon son rang ; on nous le présenta ensuite, puis pour finir à tous ceux qui étaient présents. Et cela fut l’épreuve du silence[1].

Alors toutes les personnes royales nous tendirent la main en nous disant que, vu que nous ne tiendrions plus à elles dorénavant, nous ne les reverrions plus jamais ; ces paroles nous mirent les larmes aux yeux. Mais notre

  1. Haustus silentii