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DEUXIÈME JOUR

par le souvenir de la délivrance de la tour, sans que je pusse cependant m’y fier d’une manière absolue. J’hésitais encore sur le parti à prendre, lorsque mon corps, accablé de fatigue, réclama sa nourriture. Je pris donc mon pain et le coupai. Alors une colombe, blanche comme la neige, perchée sur un arbre et dont la présence m’avait échappée jusqu’à ce moment, me vit et descendit ; peut-être en était-elle coutumière. Elle s’approcha tout doucement de moi et je lui offris de partager mon repas avec elle ; elle accepta, et cela me permit d’admirer sa beauté, tout à mon aise.

Mais un corbeau noir, son ennemi, nous aperçut ; il s’abattit sur la colombe pour s’emparer de sa part de nourriture, sans prêter la moindre attention à ma présence. La colombe n’eut d’autre ressource que de fuir et ils s’envolèrent tous deux vers le midi. J’en fus tellement irrité et affligé que je poursuivis étourdiment le corbeau insolent et je parcourus ainsi, sans y prendre garde, presque la longueur d’un champ dans cette direction ; je chassai le corbeau et je délivrai la colombe.

À ce moment seulement, je me rendis compte que j’avais agi sans réflexion ; j’étais entré dans une voie qu’il m’était interdit d’abandonner dorénavant sous peine d’une punition sévère. Je m’en serais consolé si je n’avais regretté vivement d’avoir laissé ma besace et mon pain au pied de l’arbre sans pouvoir les reprendre ; car dès que je voulais me retourner, le vent me fouettait avec tant de violence qu’il me jetait aussitôt à terre ; par contre en poursuivant mon chemin je ne sentais plus la tourmente. Je compris alors que m’opposer au vent, c’était perdre la vie.

Je me mis donc en route en portant patiemment ma croix, et, comme le sort en était jeté, je pris la résolution de faire tout mon possible pour arriver au but avant la nuit. Maintes fausses routes se présentaient devant moi ; mais je les évitai grâce à ma boussole, en refusant de