Page:Andreae - Les Noces chymiques, 1928, trad. Auriger.djvu/65

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
39
TROISIÈME JOUR

à coups de fouet. J’étais convaincu que beaucoup de ceux qui étaient prisonniers maintenant eussent préféré passer dix nuits dans la salle où nous avions couché que de subir un échec si pitoyable. Mais comme la vierge donna son assentiment il fallut bien se soumettre. Nous fûmes donc déliés et posés l’un après l’autre. Quoique mes compagnons échouassent le plus souvent, on leur épargna les sarcasmes et les coups de fouet et ils se rangèrent de côté, en paix.

Mon camarade passa le cinquième ; il persista admirablement à la satisfaction de beaucoup d’entre nous et à la grande joie du capitaine qui avait proposé l’épreuve ; il fut donc honoré par la vierge selon la coutume.

Les deux suivants étaient trop légers.

J’étais le huitième. Lorsque tout tremblant je pris place sur la balance, mon camarade, déjà vêtu de son habit de velours m’engagea d’un regard affectueux, et, même, la vierge eut un léger sourire. Je résistai à tous les poids ; la vierge ordonna alors d’employer la force pour me soulever et trois hommes pesèrent encore sur l’autre plateau ; ce fut en vain.

Aussitôt l’un des pages se leva et clama d’une voix éclatante :

« C’est lui ».

L’autre page répliqua : « Qu’il jouisse donc de sa liberté ». La vierge acquiesça, et, non seulement je fus reçu avec les cérémonies habituelles, mais, de plus, l’on m’autorisa à délivrer un des prisonniers à mon choix. Sans me plonger dans de longues réflexions, je choisis le premier des empereurs, dont l’échec me faisait pitié depuis longtemps. Il fut délié aussitôt et on le rangea près de nous en lui accordant tous les honneurs.

Au moment où le dernier prenait place sur la balance — dont les poids furent trop lourds pour lui —, la vierge aperçut les roses que j’avais détachées de mon chapeau