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Page:Andry - Traité des aliments de carême, 1713, tome I.djvu/160

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avoit de meilleur dans les feüilles, dans les fleurs, & dans les fruits : des extraits naturels des plantes, dans lesquels on trouve de grands secours pour la santé : ce qu’elles ont de fixe & de concentré, en fait même la bonté & la sureté. Elles ne présentent par ce moïen à nos organes tendres & sensibles, que des matieres convenables & proportionnées ; puis quatre Chapitres plus bas, elles deviennent des êtres imparfaits, des ébauches méprisables, des substances brutes, des embrions, où tout est impur & confus. Ce qu’elles contiennent de fixe & de concentré, qui en faisait tout-à-l’heure la bonté & la sureté, en fait à présent le principal vice. Tout-à-l’heure il n’étoit pas sur de mettre dans nos corps des matieres volatiles & déja développées ; tout-à-l’heure nos organes tendres & sensibles, & les liqueurs qui nous font vivre, aussi sujettes qu’elles sont à prendre l’effort, demandoient de trouver des sucs comme ceux des racines, lesquels ne fussent point trop déploïez ni trop vifs ; & à present, il ne faut à ces organes & à ces liqueurs, que des sucs volatils, des sucs qui aient été exaltez & subtilisez, par mille & mille filtrations. Quel parti prendre sur ces deux langages ? quand il s’agit des racines, elles valent mieux que les fruits ; & quand il s’agit des fruits, ils valent mieux que les racines : nous laissons aux Lecteurs à faire leurs reflexions sur ce sujet.

Au reste, on trouve ici trois Propositions assez peu soutenables ; la premiere, que tout est fixe, concentré, & mal digeré dans les racines ; la seconde, que ce qui compose le fruit, est un suc parfaitement déphlegmé ; & la troisiéme, qu’il s’ensuit de-là que rien n’est plus propre que le fruit à se laisser broïer dans l’estomac, à se distribuer, & à nous nourrir. Quant à la premiere Proposition, nous remarquerons que si la racine reçoit de la terre des sucs encore brutes, elle en reçoit de la plante, qui ont tout la perfection necessaire ; & qu’ainsi il n’est point vrai que tout ce qui est dans la racine soit fixe, concentré & mal digeré ; le suc que la terre fournit aux plantes, reçoit sa premiere coction dans les racines, l’air subtil avec lequel il se mêle, le fait fermenter dans des vesicules, qui sont comme autant de petits estomacs où il est retenu, jusqu’à ce qu’il ait acquis assez de subtilité pour s’insinuer dans les fibres du collet de la racine : ce suc, ainsi préparé, passe dans le tronc & dans les branches, où il se digere de plus en plus. Il est porté de-là dans les feüilles, qui achevent de le perfectionner, & qui le rendent propre à nourrir tout le corps du vegetal. Car il ne faut pas croire que les feüilles ne servent que d’ornement à la plante ; ce sont des tissus de fibres, de trachées, de vesicules, & d’autres sortes de vaisseaux, où la séve se distribuant dans une infinité de routes, & présentant ainsi plus de surfaces à l’air, se ranime de nouveau, & acheve de se cuire pour la nourriture de la plante. Cette séve, aprés avoir reçu sa derniere coction dans les feüilles, rentre dans le corps de la plante, & descend jusqu’aux racines, où elle se mêle avec le nouveau suc, qui vient d’être purifié de la terre. Puis remontant par les mêmes routes qui l’ont déja conduite, elle suit un mouvement de circulation, assez semblable à celui du sang des animaux[1]. On voit par-là que tout ce qui est dans le corps de la racine, n’est pas imparfait, & que si cette racine contient des sucs à demi digerez, elle se partage aussi de ce qu’il y a de plus fin & de plus travaillé dans toute la plante : en sorte que ce mêlange de sucs, dont les uns sont extrêmement affinez, & les autres plus grossiers, doit faire la bonté de la racine, qui se trouve par-là d’une substance moïen-

  1. These de M. Geofroy, an Hominis primordia vermis.