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XXIII


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Comme on s’assied au bord d’un lac sombre dont l’onde
Reçoit le long reflet de bois chargés d’horreur,
Sans songer à la source invisible et profonde,
Qui, naissant sous ses eaux, lui donne sa noirceur.

Parfois je ne connais que ma propre douleur,
Sans que ton souvenir un instant s’y confonde ;
Je crois que c’est de moi, de moi seul, de mon cœur,
Que sort tout ce regret infini qui m’inonde,

Sans qu’aucun autre flot vienne s’y marier ;
Et je t’oublie alors ou semble t’oublier !
Mais, surpris tout à coup que mon âme contienne

De quoi fournir sans cesse à ce chagrin immense,
Je deviens attentif, et je sens ta souffrance
Sourdre confusément tout au fond de la mienne.