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V


Faut-il déjà partir ? En cette anse isolée,
Où le flot confiant sommeille comme un hôte,
Nous bercions notre peine un instant consolée
D’un bonheur que ce jour en s’éloignant nous ôte.

Demain nous reprendrons notre vie exilée,
Suivons vers le hameau le chemin de la côte,
El laisse-moi fixer dans mon âme troublée
Ce soir d’une beauté pacifiante et haute :

Derrière un cap couvert de pins, le soleil sombre ;
La mer déjà moins bleue en longs plis d’or se plisse ;
L’abeille a délaissé les buissons de mélisse ;

Les grands monts presque éteints rendent le vallon sombre ;
Et sur la route blanche où la lumière glisse,
Le moindre des cailloux allonge aussi son ombre.