Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/28

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L’Adolescent.


L’autre jour, quand j’étais couché dans les osiers,
Je la vis s’éloigner des somptueux brasiers
Où son chagrin altier séjourne dans des flammes.
Elle vint jusqu’au bord de la mer où les lames,
Bien que le ciel très pur rayonnât de soleil,
Prises d’un courroux clair, lumineux et vermeil,
Bondissaient, rugissaient, blanchissaient jusqu’au large,
Autant qu’en ces jours noirs où l’horizon se charge
Et fléchit sous un poids sinistre d’ouragan.
Des bateaux s’enfuyaient, inclinés et voguant
Tantôt au creux des flots et tantôt à leur faîte.
Elle était immobile et droite sur la crête
D’une butte de sable où croissaient des chardons ;
Et je pensais à ces illustres abandons
D’amantes d’autrefois, au bord des mers laissées,
Pour un dernier regard, un dernier cri, dressées.
Elle resta longtemps à contempler la mer,
De ses yeux bleus ; peut-être un souvenir amer
Lui montrait-il aussi, dans ces houles, l’image
Qui passait tout à l’heure en ta parole sage,
Car la sagesse n’est, maître, qu’une douleur
Qui vit dans le cerveau quand elle est morte au cœur.