Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/99

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Pour se faire un chemin sous les rocs et les herbes,
Et je rentre, le soir, les bras chargés de gerbes
D’anémones, d’orchis et de lis de montagne,
Qu’un premier papillon jusqu’au seuil accompagne !
Je m’enivre d’air pur, d’arômes et d’espace !
Puis, après quelques jours, heureuse et presque lasse,
À l’heure où le couchant le touche et l’illumine,
Je me plais à m’asseoir sur un roc qui domine
Un précipice droit et de longues vallées
Qui s’éloignent, de brume et de pourpre voilées !
Dans cette solitude au bruit humain ravie,
Dans son silence austère, il semble que la vie
En un lointain plus large et plus juste apparaisse ;
Comme si l’air des monts avait une sagesse
Jusqu’où ne parvient pas la passion des villes.
Alors, je redescends vers nos œuvres fragiles !
Mais mon sang est plus frais, mon âme plus éprise
De ces graves instants qu’on dirait qu’éternise,
Encor qu’ils fuient aussi, leur majesté sereine ;
Et j’apporte la paix des sommets dans la plaine.
De leurs conseils encor j’ai besoin, cette année,
Je démêlerai mieux mon âme examinée
Dans la tranquillité de leur pure atmosphère
Qui fait de leurs nuits même un lumineux mystère.