Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/130

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Consens à m’écouter : j’ai vu, j’ai découvert,
Comme un dessin caché dans un dessin offert
Par la main qui connaît l’angle qui le démêle,
J’ai vu, dans ce tableau, l’image où se révèle
Le sombre sort humain tel qu’il est aperçu
Dans le sombre avenir tel que tu l’as conçu.
Si l’espace futur s’accorde à ton présage,
Vois par quel double choix se fera le partage
De tous les lots humains : vivre dans la sueur
Que sue un belluaire ou un gladiateur,
Et tuer ; ou sinon, s’évader, se soustraire,
Se blottir hors de vue ainsi qu’un réfractaire,
Espérer qu’on tiendra dans l’intervalle étroit
De la guerre qui cesse à la guerre qui croît,
Prier pour qu’un hasard de jours nous sauvegarde,
Pour que l’appel prochain des trompettes retarde
De quelques ans encore, et nous laisse le temps
D’être, vieillards caducs, tirés des combattants !
Heureux ceux qui n’ont pas de fils, dont la jeunesse,
Grandissant à coup sûr pour des jours de détresse,
Trouve, quand le clairon jette enfin son appel,
Les périls épargnés au repos paternel !
Ainsi tout homme craint, ou pour ceux qu’il voit naître
Ou pour lui, ce fléau qui veut, pour se repaître,