Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t2, 1906.djvu/79

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À sentir l’unanime orgueil de leur vaillance,
Fassent sortir d’eux tous, la haute confiance
Qui donne aux légions une âme, un seul vouloir,
Un honneur, et ce sens austère du devoir,
Cet orgueil à garder leur propre renommée.
D’où naît le dévoûment. Sans sa force, une armée
Ne vaut que par instants, et se brise en morceaux :
L’impétuosité joyeuse des assauts,
Et l’obstination farouche des retraites,
Ce qui fait la victoire, ou sauve les défaites,
Naissent d’elle, qui naît d’un long accord des cœurs.
Ce n’est pas tout, vieillard, il faut que dans les heurts,
Les tourbillons, les cris, la poussière enflammée,
Dans l’enchevêtrement des chocs sous la fumée,
Les chaos de tuerie obscurs et fluctueux,
Le mélange d’échecs et de retours heureux,
Que dans la furibonde et noire incertitude
Des combats, tous ces gens, unis par l’habitude,
Se sentent sans se voir, conservent leurs rangs sûrs,
Tantôt mouvants, tantôt fermes comme des murs,
Les reforment d’instinct quand des charges les coupent,
S’élancent d’un seul bond, d’un seul arrêt se groupent,
Et, sur un seul mot d’ordre, épars ou ramassés,
Retenus frémissants, ou hésitants lancés,