Page:Angellier - Dans la lumière antique, Les Épisodes, p1, 1908.djvu/47

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Laisse là ton ouvrage et rapproche ta chaise,
Femme, c’est le moment de goûter un peu d’aise ;
Avec ses soins divers la journée est finie :
Mais ta main est toujours active et s’ingénie
À créer du travail. Ô la méchante tête !
Depuis combien de temps faut-il que je t’arrête,
Et me fâche à demi pour que tu te reposes ?
Ce fut toujours ainsi. Jadis tes lèvres roses
Souriaient de laisser ma bouche impatiente.
Mais que tu savais faire oublier mon attente,
Quand tu venais enfin poser sur mon épaule
Ta tête caresseuse ! — Hélas ! quand il nous frôle,
Le Temps, nous ignorons son travail insensible ;
Pourtant quelle œuvre il fait de son toucher paisible !
Quel couple était plus fier et vaillant que le nôtre ?
Nous voici maintenant, deux vieux, l’un près de l’autre,
Et nous ne joignons plus que nos deux mains ridées !
Mais il n’a pu toucher nos âmes accordées
Dans leur harmonieuse et constante tendresse ;
S’il nest rien en nos corps qu’il n’altère et ne blesse,
Ô chère femme aimée, il n’a fait que la rendre
Plus profonde, d’année en année, et plus tendre !
Car nous nous chérissons de toute notre vie,
Et nous redescendons la colline gravie