Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/355

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 331 —

C'est là aussi ce qui le fait parler si heureusement du chant clair et du vol léger de l'alouette, de tout ce qui est vif, mobile, rapide.

On ne connaît pas la quantité de nature qui se trouve dans un poète quand on ne connaît que les descriptions directes qu'il en a faites. On peut même dire qu'on n'en a que la partie la moins intime, la moins person- nelle, l'expression purement extérieure. A travers une œuvre poétique, surtout moderne, apparaissent, dans les comparaisons, dans les méta- phores, une foule d'impressions de la iNature qui, ayant séjourné dans l'àme du pcète , en remontent transformées et toutes chargées de sa pensée. Il y a bien des jours, bien des années qu'elles se sont déposées au fond de lui ; elles y sont restées ignorées et perdues dans les profon- deurs où le souvenir cesse d'être volontaire ; elles y ont subi un lent et mystérieux travail ; un choc les ébranle, elles reparaissent parfois presque méconnaissables de ce long séjour dans une àme humaine. Une partie de l'infinie poésie de la Nature qui ornait l'àme de Shakspeare nous apparaît de cette façon, à propos de sentiments humains. Ces impressions sont forcément profondes, puisqu'elles ont duré longtemps ; elles sont aussi généralisées par le lent dépouillement-des détails accidentels et les néces- sités de fournir une comparaison applicable partout. C'est parmi elles qu'on trouve souvent les plus hautes et les plus subtiles manifestations de la Nature, dans un poète.

Ces réapparitions sont-elles nombreuses dans Burns ? Y a-t-il, dans ses métaphores, dans les unions de pensée et d'images naturelles, une assez grande proportion de ces dernières pourque, en les dégageant, on obtienne un aspect nouveau de son sentiment de la Nature? A priori, on peut croire que non. D'abord, parce que ses métaphores sont brèves et rapides. Ce foisonnement d'images qui, dans certaines œuvres, décore l'idée jusqu'à la recouvrir, et étouffe le sens sous une luxuriante végétation parasitaire, est plutôt le propre des poètes d'imagination que des poètes de passion. Il y en a plus dans Shelley et dans Coleridge que dans Byron et dans Burns. Pour s'envelopper de ces ornements, la pensée a besoin de loisir qui lui permette un moment d'arrêt, et lui donne du répit pour cette toilette. Le sentiment violent est volontiers nu, parce qu'il est impé- tueux, sa fougue l'emporte à travers ces ajustements. Il s'en soucie peu. Il est pressé d'atteindre, de frapper, de sentir le choc de son but. C'est ce qui arrive à Burns, où l'éloquence est bien plus dans l'accent que dans l'image, et dans le mouvement que dans l'éclat. Il ne s'attarde jamais aux comparaisons, il les traverse rapidement, et nous pouvons prévoir que, par suite de la brusquerie de ses métaphores, les impressions de Nature qui y sont contenues ne seront pas très nombreuses. Il y a à cela encore une autre raison, c'est que la plus grande quantité peut-être de ses images est empruntée à des actions, des détails de vie humaine.

Il y a bien un assez grand nombre de ces réminiscences naturelles,