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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/356

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dans ses chansons d'amour. Mais il y a si longtemps que la plupart d'entre elles ont été empruntées à la Nature qu'elles ont perdu leur parfum d'origine ; elles ont servi à tant de cœurs humains qu'il ne leur reste plus qu'une valeur de sentiment. Elles font partie de l'éternel vocabulaire des vers amoureux ; elles ne sortent pas du fonds d'images auquel il est permis à tous les poètes de puiser comme à un coffre commun. Ce sont des yeux comme des étoiles pendant la nuit ; des cheveux dorés comme des anneaux d'or, noirs comme l'aile du corbeau, ou blonds comme le lin ; ce sont des joues comme des lis tachés de vin ; des lèvres comme des cerises mûres protégées du vent froid par des murs ensoleillés ; des tailles comme les jeunes frênes qui montent au-dessus des buissons entre deux talus semés de primevères ; des innocences aussi pures que la pâquerette qui s'ouvre dans la rosée ou que l'épine dont les lleurs sont si blanches et les feuilles si vertes. Il se trouve, dans ces comparaisons, de jolis détails ; çà et là, un détail que Burns a rajeuni et auquel, pour employer l'expression de sa femme, il a donné un coup de brosse ; mais, en réalité, rien de bien nouveau, ni de bien profond.

Cependant, lorsque l'émotion moins tendue lance moins rapidement l'expression, il arrive que sa pensée prend le temps de se placer dans une de ces observations naturelles. Alors l'effet de nature qui en constitue l'enveloppe est plus subtil, plus nuancé que ceux qui se rencontrent généralement dans ses descriptions directes. L'observation est toujours brève et nette, mais elle s'applique à des phénomènes plus fugitifs, plus changeants, plus susceptibles de se perdre dans l'âme et de se confondre confusément avec elle. Les délicats phénomènes de lumière et d'atmos- phère, dont Shelley devait plus tard composer sa poésie aérienne et irisée, sont très rares dans Burns. Ceux qu'on rencontre généralement chez lui se trouvent presque uniquement dans ses métaphores.

Ses yeux sont plus brillants que les rayons radieux

Qui dorent faverse fuyante.

Et étincelleut sur le cristal des ruisseaux,

Et réjouissent les fleurs rafraîchies i.

Ou bien :

Comme dans le sein du ruisseau

Le rayon de lune séjourne au soir humide de rosée.

Ainsi tremblant et pur était le jeune amour

Dans le cœur de la jolie Jane '2.

Oii encore

Son front est comme Tarc-en-ciel,

Quand de brillants rayons de soleil interviennent

Et dorent le front de la montagne lointaine 3.

1 Young Peggy.

2 There was a Lass and she was fair,

3 On Cessnock Banks.