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vit que deux fois en colère : une fois parce que les moissonneurs n'avaient pas fauché un champ comme il était dit ; une autre fois parce qu'un vieillard avait tenu devant lui une conversation avec des allusions grivoises ^. Mais, Murdoch vécut peu de temps avec lui, et ne le voyait que par intervalles. Burns , dans sa lettre au D'" Moore, revient une seconde fois sur cette disposition : « Il était , dit-il , sujet à de fortes colères. » Evidemment il y avait chez lui des réserves d'orage qui ne parurent jamais ; mais parfois un éclair ou un grondement perçaient la froideur de l'aspect. L'orage éclata chez le fils , avec tous ses ravages et toutes ses beautés.

La mère de Burns était la fille d'un fermier du Carrick, et ce détail a son importance. Tandis que la partie de l'Ecosse méridionale qui s'étend à l'est des collines des Lowther jusqu'à la mer du Nord, avait été envahie par les Angles et devenait saxonne, toute la contrée qui s'étend à l'ouest des mêmes collines jusqu'à la mer d'Irlande et qui constituait le royaume breton de Strathclyde, était restée autrefois celtique. Lorsque plus tard les Angles pénétrèrent dans la vallée de la Clyde et jusque dans les plaines d'Ayrshire, la partie sud de cette région, le Galloway, resta pur de tout mélange ^ ; la population gallique, qui n'a pas cessé de l'habiter, déborda même sur une partie du comté d'Ayr et couvrit le district de Carrick qui en forme le coin méridional, contre la mer ^. C'est de ce bout de terre, où s'est conservé un fonds de sang gaulois, que venait la mère de Burns. Elle était petite, extrêmement vive et active, d'une humeur gaie, avec une chevelure d'un roux pâle et de magnifiques yeux noirs. Elle avait le goût celtique pour la musique , elle savait une inépuisable quantité de vieilles chansons et de vieilles ballades qu'elle chantait fort bien et dont sijrement elle berça son fils. C'est à elle bien plus qu'à son père que Robert ressemblait de façons et de traits. Il tenait d'elle ces étincelants yeux noirs dont Walter Scott, qui avait connu cependant tous les hommes éminents de son temps , disait qu'il n'avait jamais vu les pareils dans une autre tête humaine ; son aisance de démarche et de manières ; sa force de familiarité et cette alerte joie de vivre qui , pendant longtemps, perça toutes ses tristesses. S'il est vrai que , dans la poésie anglaise , les quaUtés soudaines et brillantes , la vivacité de la couleur , la légèreté du rhythme , l'essor des strophes , l'ardeur, doivent être attribués au génie celtique *, c'est par sa mère

1 John Murdoch's. Narralive of the Household of William Burnes. V. Scolt Douglas. Vol. IV. Appendix B.

2 Skene. Cellic Scotland. Vol. I, p. 202-203. — Voir aussi Hill Burton. Historij of Scolland. Vol. I, p. 278. Vol. II, p. 16 et 61. — Voir aussi Veitch. The Hisloi^y and Poelry of the Scollish Border. Chapitre m.

3 Skene. Cellic Scolland. Vol. III, p. "70.

  • Malthew Arnold. Of the study of Cellic Literature.