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qu'il pouvait son petit aveugle, en lui lisant à ses heures de repos Milton, Spenser, Prior, Pope et Addison. C'est un autre exemple de ces éduca- tions écossaises. L'enfant, élevé dans cette musique de poètes, se mit à faire des vers, qui tombèrent entre les mains d'un brave homme, le D"" Stevenson d'Edimbourg. Celui-ci s'intéressa à lui et lui fournit les moyens de faire ses études à l'Université. Blacklock entra alors dans les ordres et devint un prédicateur de réputation. Mais, à la suite de déboires dus à sa cécité, il s'était retiré à Edimbourg et y tenait une sorte de maison de famille où il recevait quelques élèves choisis. C'était un vieillard très pâle, avec de beaux cheveux blancs ; il était d'une douceur et d'une bonté inaltérables. On disait de lui « qu'il n'avait jamais perdu un ami et ne s'était jamais fait un ennemi ». Sa bienveillance était conti- nue, elle agissait comme un des modes de sa vitalité. Il avait pris, pour se faire conduire, un petit paysan et lui trouvant de la bonne volonté à apprendre, il lui enseigna le grec, le latin, le français et en fit un homme distingué. « Si on énumérait tous les jeunes gens qu'il a retirés de l'obscurité et mis en état, par l'éducation, de se pousser dans la vie, disait Walker, le catalogue exciterait une surprise très naturelle * ». Et Héron : « Il n'y a peut-être jamais eu un homme qui pût , avec plus de vérité, être appelé un Ange sur la terre que le D' Blacklock. Il était candide et innocent comme un enfant, néanmoins doué de la sagacité et de la pénétration d'un homme. Son cœur était une source continuelle de bonté 2». Cette àme exquise était d'une aménité et d'une gaîté constantes, se réjouissant d'une clarté intérieure. Il vivait entouré du respect et de l'amour de tous. Quand le D"" Johnson avait passé par Edimbourg, il lui avait dit: « Cher D*^ Blacklock, je suis heureux de vous voir » ; ce qui était un grand honneur. Tel était celui qui venait d'avoir une influence capitale sur la destinée de Burns par quelques-unes de ces paroles , par un de ces actes de bienveillance, qui sortaient de tous les instants de sa vie. Il était de ces hommes autour desquels tombe comme une manne, et près de qui la faim , la fatigue , la douleur, ne peuvent passer sans trouver un réconfort. Ils ne s'en doutent souvent pas ; ils n'ont pas même notion d'un effort , d'une volition ; ils sont bienfaisants par nature , par exercice de leur façon d'exister^.

Voici la lettre que le D*^ Blacklock écrivait à M' Lawrie pour le re- mercier de l'envoi du volume de Burns. Elle est curieuse, dans la première partie, parce qu'elle donne l'impression produite sur lui par

1 Walker, Life of Burna, p. lx.

2 Héron. Life of Durn>i, p. 433.

3 Voir sur le D' Blacklock la notice dans Biojraphical Dïclionary of Ennnent Scolsmen.