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solennels ei sublimes, avec cette mélancolie ravie et inspirée dans laquelle le Poète élève ses regards « au dessus de cette sphère visible et diurne », les poèmes intitulés Z^c'i'-?.?/*^»', \ix Lamentation, Hiver, Chant funèbre tiV In- vocation à la Ruine, offrent des exemples non moins frappants ». Il donnait comme spécimens « dans le tendre et le moral » l'Homme fut créé pour pleurer, le Samedi soir du villageois, les pièces à la Souris ci à la Pâquerette de montagne. Il citait celle-ci en entier, moins, disait-il, à cause de son mérite supérieur que parce qu'elle pouvait tenir dans les bornes de son journal. Et, à propos de la jolie strophe sur l'alouette, il ajoutait en termes qui contiennent avec une merveilleuse exactitude l'essence du sentiment de la nature dans Burns : « Des touches comme celles-là dénotent le pinceau d'un poète qui peint la nature avec la précision de l'intimité, et cependant avec le coloris délicat de la beauté et du goût ». Les mots que nous avons soulignés vont droit au fond du génie de Burns sur ce point. L'article, après avoir donné les éloges, essaye de prévenir les objec- tions et surtout celles qu'il prévoit, les objections religieuses et morales. II avance des précautions, des excuses, des atténuations, toutes sortes de faucilles pour couper à l'avance les critiques dans l'esprit des lecteurs. Ces soins même sont instructifs en ce qu'ils montrent à quelle société susceptible et formaliste Burns allait avoir à faire. Cela donne l'idée de la surveillance qu'il devait exercer sur sa parole et de la prudence qu'il devait mettre dans sa conduite, pour ne pas choquer un monde auquel il fallait présenter ses poèmes avec presque autant d'apologie que de louange ! Voici donc ce que Mackenzie disait avec beaucoup de tact et une connaissance très exacte des gens à qui il parlait :

Contre quelques-uns des passages de ces derniers poèmes, on a objecté qu'ils respirent un esprit de libertinage et d'irréligion. Mais si nous considérons l'ignorance et le fanatisme des classes inférieures dans le pays on ces poèmes furent écrits, fana- tisme de cette espèce pernicieuse qui exalte la foi par opposition aux bonnes œuvres, et dont la fausseté et le danger ne pouvaient échapper à un esprit aussi éclairé que celui de notre poète , nous ne regarderons pas sa nuise plus légère comme l'en ih mie de la religion (sur laquelle il exprime en plusieurs endroits les sentiments les plus justes) bien qu'elle ait été quelquefois un peu imprudente en ridiculisant l'hypocrisie.

Sur ce point et sur d'autres encore, il faut convenir qu'il y a, dans le volume qu'il a donné au public, des parties répréhensibles que la prudence aurait supprimées ou la correction effacées. Mais les poètes sont rarement prudents, et notre poète n'avait, hélas ! ni amis, ni compagnons qui pussent lui suggérer des corrections. Quand nous réfléchissons à son rang dans la vie, et à la société dans laquelle il a vécu, nous sommes plus portés à regretter qu'à nous étonner que la délicatesse soit si souvent offensée, pendant la lecture d'un volume où il y a tant pour nous intéresser et nous plaire.

Il y a bien quelque chose d'un peu étroit et presque d'un peu frisant le ridicule dans ces regrets que Burns n'ait pas fait parler ses paysans plus convenablement ; peut-être y avait-il aussi quelque chose qui lui fit