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il aurait pu le rester longtemps, car il avait du savoir, de la sagacité, une conversation très agréable, avec une constitution capable de sup- porter la convivialité des temps *. » Ainsi , la capacité de boire était une qualité indispensable pour être à la tête d'une des fractions du clergé. 11 n'est guère possible de rencontrer un aveu qui dépasse celui-ci. On peut se faire, d'après la position sociale qu'occupait alors l'ivrognerie, quelque idée de son pouvoir. Ce n'est pas trop dire que se griser était un des attributs de l'homme, comme d'aller à la chasse ou de monter à cheval ; on n'y prêtait pas d'autre importance et il ne s'y attachait aucun blâme.

Naturellement Edimbourg était la métropole de cette intempérance nationale. On y buvait du haut en bas de la société, depuis Dugald Stewart, qui était peut-être le plus parfait gentilhomme de la ville et un des hommes les plus purs qui aient vécu, jusqu'au dernier des caddies. C'était la ville des clubs et des tavernes.

Les premiers étaient innombrables. Il y en avait de tous genres, depuis le célèbre club du Tisonnier auquel appartenaient Hume , Ferguson , Carlyle, Richardson, Blair , jusqu'aux clubs infimes où les petits bouti- quiers se réunissaient après avoir fermé leurs échoppes. Il y en avait de toutes les appellations et de tous les règlements. C'étaient le Club du Cap auquel avait appartenu le poète Fergusson ; le Chb Antemanum ainsi nommé parce qu'on réglait d'avance ; le Chh des Prodigues parce que la dépense était restreinte à neuf sous ; le Club des Verrais ; le Chb du Feu d^ Enfer, association de terribles débauchés ; le Chb sale oii les membres n'avaient pas le droit de se présenter en linge propre ; les Originaux où on écrivait son nom à l'envers ; les Seigneurs du bonnet parce que les membres portaient des bonnets bleus ; les Perruques noires 2. Ils pullulaient de toutes parts, avec leurs titres énigmatiques dus à quelque plaisanterie goûtée des initiés et dont le sel est perdu, avec leurs rites bizarres et grotesques, où les graves citoyens semblaient prendre leur revanche de la monotonie de leur vie. Le même individu appartenait souvent à plusieurs clubs et alors chacune de ses soirées était prise. Le trait commun de toutes ces réunions , c'est qu'on y buvait lourdement. « Les clubs d'Edinburgh, dit le D"" Rogers, étaient les scènes d'une dissipation dans sa forme la plus révoltante. Le Poker Chb était composé d'hommes de lettres dont les faiblesses sociales s'accordaient mal avec leurs goûts littéraires. En sortant de leurs clubs, les membres s'en allaient titubants, plus ou moins ivres 3. » Et c'était le club des premiers hommes du pays*.

1 D Alex. Carlyle. Aulobiography, p. 257.

2 Pour les désignations de ces clubs voir R. Ghambers. Traditions of Edinburgh, le chapitre intitulé Convivialia.

<* Ch. Rogers. ScoUand Social and Donieslic, p. 36.

4 Voir les détails sur la fondation de ce fameux club et son organisation, dans Y Aulo- biography du D"^ Alex. Carlyle, p. 419-28.