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examinés. » Le lendemain on trouve cette note : « Passé près d'un berger qui était assis sur le sol, lisant, avec un livre sur ses genoux, s'abritant du vent au moyen de son plaid, tandis qu'un troupeau de moutons paissait près de lui parmi les roseaux et une herbe grossière » ; et le soir du même jour, cet autre trait : « La petite fille fut enchantée des six pence que je lui donnai et dit qu'elle achèterait avec cela un livre lundi matin. » Le lendemain était un dimanche et il n'était pas question d'acheter quoi que ce fût en Ecosse , un dimanche. Ces quelques notes de voyage en prouvent plus que beaucoup de textes *.

De ces écoles de villages, il arrivait que des élèves plus méritants allaient jusqu'à une des Universités. Au prix de quels sacrifices et de quelles privations! Il fallait vraiment que la flamme sacrée brûlât en eux. Les classes étaient ouvertes cinq mois par an ; le reste du temps, ils ensei- gnaient eux-mêmes ou revenaient travailler la terre pour gagner leurs maigres dépenses. Ils recevaient, pendant leurs termes, parles voituriers, leurs provisions de pain d'avoine et de pommes de terre ; ils vivaient avec cela; aux vacances, ils regagnaient à pied la maison du père^. Boswell raconte qu'étant dans l'île de Col, il vit un fermier dont le fils allait chaque année à pied à Aberdeen, pour son éducation, et en revenait dans l'été, servir de maître d'école dans l'île, traversant ainsi deux fois l'Ecosse d'une mer à l'autre. « Il y a quelque chose de noble, dit le D"" Johnson, dans ce jeune homme qui fait une marche de deux cents milles, et autant pour revenir, par amour du savoir ^ ». « L'éducation est une passion en Ecosse », dit Froude en racontant l'histoire, touchante aussi, de l'éducation d'un autre grand Écossais , Thomas Carlyle^. C'est ainsi qu'ont été élevés beaucoup des hommes qui ont fait honneur à l'Ecosse.

Même dans ce pays si merveilleusement épris de savoir, l'éducation de Robert Burns et de son frère Gilbert forme un épisode rare et vraiment émouvant. On ne sait ce qu'on y doit le plus admirer des sacri- fices du père, du dévouement du maître, ou de l'ardeur des enfants à ap- prendre. A eux tous ils forment comme un groupe complet qui symbolise ce qu'il y a eu de plus élevé et de plus méritoire dans l'élan universel de l'Ecosse vers l'éducation.

William Burnes habitait encore son cottage d'Alloway quand il com- mença à songer à l'instruction de ses fils. Le maître de l'école d'Alloway venait de partir et l'école était vide. William Burnes va à Ayr, s'informe. Il y avait alors un jeune garçon d'environ dix-sept ans, nommé John

1 Recollections of a Tour Made in Scotland, A D 1803, by Dorothy Wordsworth. — First week.

2 Froude. The Early Life of Thomas Carlyle.The nineieenth Century. July 1881.

3 Boswell. The Journal of a Tour to the Hébrides with Samuel Johnson, L L D. October 8.

4 Froude. The Early Life of Thomas Carlyle. là.