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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/283

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par laquelle le dur et granitique Galloway * est séparé de la tête du système montagneux des Borders. Elle traverse une contrée triste et délaissée. A gauche, s'allongent des solitudes jonchées de moraines, de détritus de glaciers, d'amas d'argile, de graviers et de galets, parse- mées de mares, de petits lacs innomhrables, frappées de l'antique dévas- tation glaciaire^. A droite, se dresse l'âpre massif et le nœud de montagnes où les longues lignes coulantes des Borders se rapprochent, se ren- contrent, se ramassent, se relèvent, se heurtent et se déchirent; au lieu de pentes gazonnées, ce ne sont que des cassures à pic, des rochers nus et bouleversés et d'étroits défilés^. Vers le haut de la vallée, on entre dans un district de mines et de minerais, sur lequel pèse une stérilité métal- lique. « La contrée environnante est la plus infertile qui se puisse concevoir. On n'aperçoit ni arbre, ni buisson, ni verdure. Les mineurs et leurs familles sont une communauté isolée, tous plus ou moins parents par mariages *. » C'est par ce désert, dont l'aridité est plus morne encore dans la lumière de juin, que Burns s'en retournait vers Mauchline.

Le voyageur n'était pas sans ressemblance avec la route. Sa pensée n'était qu'un désordre de projets confus, i^és de la visite aux fermes de Dumfries ; ses résolutions se heurtaient les unes contre les autres, juste assez fortes pour s'entre détruire et ne laisser à son esprit que l'inquié- tude de leurs bris successifs. Il n'avait en lui que du chaos et des décombres. De plus, pour la première fois après l'étourdissement du voyage, il était livré à lui-même. Il était impossible qu'il n'éprouvât point de la lassitude et l'écœurement de ces temps derniers ; cependant cet isolement brusque et le manque de l'agitation dont il avait pris l'habitude, mettaient en lui un malaise. Cette inquiétude se mélangeait à la joie de revoir les siens, de sentir qu'il approchait d'eux, jusqu'au moment où il traversa les premiers villages familiers qui marquaient les limites de sa vie d'autrefois. Enfin, voilà les maisons basses et la vieille église de Mauchline ! Il traverse la bourgade sans s'arrêter, peut-être salué par des connaissances, car c'est l'été et il fait jour jusqu'au delà de neuf heures. Il est sur le bout de la grande route si souvent parcouru, et voici là-bas le toit de la ferme où ils sont tous, la vieille mère, Gilbert, les sœurs et les deux marmots !

« Il arriva sans être annoncé, » dit Mrs Begg^. On aime à évoquer la scène, quand le cri que Robert était arrivé éclata dans le logis. On raconte que la vieille mère se jeta à son cou sans pouvoir dire autre

1 A. Geikie. Scenery of Scolland, p. 309 et 314.

2 Id. p. 318.

3 Id. p. 289.

  • Oliver and Boyd's Scottish Tourist.

8 R. Chambers, tom. II, p. 89.