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chaîne continue sous les dehors de la vie. Tl est probable qu'il cherchait à s'étourdir, par les mêmes moyens que nous l'avons déjà vu employer. « Si j'étais hors de celte scène d'affairement et de dissipation, écrit-il à un ami, je me promets le plaisir de renouveler une correspondance si longtemps interrompue. A présent je n'ai de temps pour rien. La dissi- pation et les affaires absorbent tous mes moments ^ » Ces anxiétés, ces excès, agissaient sur sa santé et sur son humeur. On le sent irritable, sombre, brusque, jusqu'au point de heurter parfois ses meilleurs amis. Ce mélange triste apparaît dans un billet qu'il écrivait à Robert Ainslie, le jeune homme en compagnie de qui il avait commencé son tour des Borders. La seconde partie de ce billet contient une allusion à quelque rudesse de manières, pour laquelle il s'excuse.

Je vous prie, cher Monsieur, de ne faire aucun arrangement pour que nous allions ciiez W Ainslie (un parent du jeune homme) ce soir. En examinant mes engagements, ma constitution, le présent état de ma santé, quelques menus chagrins d'âme, etc., je trouve que je ne puis souper en ville ce soir.

Vous penserez peut-être romanesque que je vous dise que je trouve l'idée de votre amitié presque indispensable à mon existence. Vous prenez la longueur de figure qu'il convient, dans mes heures de papillons noirs ; et vous riez juste autant que je puis le souhaiter, à mes bons mots. Je ne sais pas, après tout, si vous êtes un des premiers dans le monde de Dieu, mais vous l'êtes pour moi. Je vous dis ceci, en ce moment, dans la conviction que quelques inégalités dans mon caractère el mes manières peuvent quelquefois vous faire soupçonner que je ne suis pas aussi chaude- ment votre ami que je dois l'être^.

On voit dans quel triste état d'esprit il se trouvait et combien peu ce séjour ressemblait à celui de l'année dernière. L'enthousiasme qui l'avait attendu et les espérances qu'il avait apportées étaient choses du passé.

Ce fut au moment même où il pensait quitter Edimbourg qu'il se trouva, pour la première fois, avec celle qui allait devenir célèbre sous le nom de Clarinda. Cette jeune femme s'appelait Agnes Graig. Elle était d'une famille cultivée. Son père, Andrew Craig , était un chirurgien estimé à Glascow ; son oncle, le Rev. William Craig, était un des ministres et des prédicateurs de la même ville. Sa descendance était plus intellectuelle encore du côté de sa mère, qui était fille du Rev. John Mac Laurin, « un homme d'éloquence et de piété », et nièce de Colin Mac Laurin, le célèbre mathématicien, et l'ami de Newton 3.

Elle avait perdu de bonne heure sa mère et avait été élevée, mais

' To James Candlish, Nov. 1781.

2 To Robert Ainslie, Nov. 25tii, 1787.

3 Les détails biographiques sur ClariDcla sont empruntés au Memoir of M^^ Mac Lehose, publié , avec la correspondance entre Burns et Clarinda, par son petit-fils, W.-C. Mac Lehose, en 1843.