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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/348

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<< Je ne saurais pas vous dire, Madame, si mm cœur n'a pas pu s'égarer un peu ; mais je puis déclarer, sur l'honneur d'un poète, que le vagabond a fait l'école buis- sonnière à mon insu. J'ai, à mon compte, une assez belle troupe de défauts ; comme ceux de la plupart des gens, ce sont des gredins indisciplinés , mais les infortunés coquins ont en eux un peu d'honneur et ils ne voudraient pas faire une chose mal- honnête... In homme rencontre une femme malheureuse, aimable et jeune, aban- donnée et délaissée par ceux qui étaient tenus, par tous les liens du devoir, de la nature et de la gratitude à la protéger, à la consoler et à la chérir ; cette femme unit la beauté du corps à la noblesse de l'esprit — d'un esprit qui va à votre goûl comme les joies du ciel à un saint; si une pauvre petite idée, fille naturelle de l'imagina- tion, vient pensivement regarder par-dessus la palissade, — supposez mon amie que vous ayiez à la juger et que cette pauvre petite brebis errante, toute tremblante, toute contrite, les yeux innocents, pleins de larmes, de regrets et implorant son juge du regard, soit amenée devant vous, pouvez-vous la condamner impitoyablement i.

Le plaidoyer est habile , avec ce qu'il faut de bonne humeur pour diminuer ce qu'on a dit , avec ce qu'il faut d'aveu pour le maintenir, et ce qu'il faut de tlatterie pour en faire entendre davantage.

M" Mac Lehose fut-elle facilement dupe de ces belles protestations? Sans doute quelque chose en elle voulait être persuadé. Elle envoya à Burns quelques vers assez bien tournés qu'elle signa, selon le goût du temps pour les noms supposés , du nom de Clarinda. Désormais Burns, pour se mettre a l'unisson, lui écrivit sous celui de Sylvander, et à partir de ce moment ils ne s'appellent plus autrement dans la suite de cette correspondance.

L'indignation de Burns n'était, on le suppose bien, qu'un feu de paille. A quelques jours de là, il écrit une longue lettre où toutes les déclama- tions, les sympathies, infaillibles en pareil cas, sont mises enjeu. Pourquoi est-elle malheureuse? Pourquoi l'a-t-il connue si tard?

" Vous avez une main bienveillante et disposée à donner; pourquoi ce bonheur vous fut-il refusé? Vous avez un cœur formé, noblement formé, pour les joies les plus raffinées de l'amour; pourquoi ce cœur fut-il jamais meurtri?. . . Pourquoi suis-je né pour voir un malheur que je ne puis secourir, et rencontrer des amis dont je ne puis jouir? Je regarde en arrière, avec la détresse d'un regret inutile, en v.yant ma perte de ne pas vous avoir connue plus tôt, tout l'hiver dernier, ces trois mois- ci passés ! quel commerce heureux n'ai-je pas perdu ! Peut-être cependant cela vaut- il mieux pour ma paix. 2 »

On voit avec quelle habileté et quel enthousiasme apparent, peut-être avec quelle inconscience, le séducteur poursuit son chemin. Il y a un passage bien perfide, mais bien joli et bien séduisant:

Je crois qu'il n'est pas possible de maintenir des rapports ou d'entretenir une correspondance avec une femme aimable, encore moins avec une femme merveilleuse-

1 To Mr" Mac Lehose, Dec. 20tii, nsi.

2 To Clarinda, Dec. 28tii, msi.

I. 22