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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/418

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étaient garnies de dents de bois, les chariots étaient lourds et bas de roues ; on vannait le blé à l'aide du vent entre les deux portes de la grange* . Avec cela, de mauvaises routes et guère de chemins'. Les fermiers étaient trop ignorants pour songer à améliorer leur mode de culture et trop pauvres pour l'essayer. « Aucun fermier ne possédait l'argent néces- saire pour améliorer cet état de choses 3. » Aussi ils parvenaient pénible- ment à contraindre la terre à payer sa rente. Leur vie était aussi précaire que misérable. Une seule mauvaise saison suffisait pour les mettre en retard. Alors commençait, contre la descente graduelle vers la misère et la ruine, la lutte désespérée, dans laquelle avait succombé le père de Burns, dans laquelle Gilbert venait d'être sauvé par sou frère, dans laquelle celui-ci allait être vaincu à son tour. Telle était, du moins, dans ses conditions matérielles, l'existence que Burns pouvait mener.

C'est une question qui n'est pas sans intérêt, de savoir quelle sorte de fermier était Burns et comment il gouvernait sa maison. Il avait deux domestiques mâles et deux filles de ferme. Son bétail comptait neuf ou dix vaches à lait, quelques veaux, quatre chevaux, et des brebis dont quelques-unes étaient ses favorites. C'était un bon maître et indulgent pour ses serviteurs. Il était familier et amical avec eux. Quand quelque chose le fâchait, il était un peu vif, mais l'orage était vite passé. Un vieillard, qui avait été garçon de ferme chez lui, disait qu'il ne l'avait vu réellement en colère qu'une fois, lorsqu'une des filles avait donné, sans les couper en assez petits morceaux, des pommes de terre à une vache qui étouffait. Ses regards , ses gestes , sa voix étaient terribles ; il avait hérité ces colères de sou père. C'était un bon laboureur. Souvent aussi , passant sur ses épaules le drap plein de grain , il semait le matin le champ que ses ouvriers devaient herser dans la journée *. Il est probable que son intérieur était un peu plus soigné que celui de la plupart des autres fermiers. Si on se le représente vaquant à ces occupations dans le costume ordinaire : le large béret bleu écossais, un habit à longs pans de drap bleu ou marron, des culottes de velours de coton à côtes, des bas bleu foncé ^, et, pendant les froids, un plaid blanc et noir autour des épaules, ou aura complété cet aperçu de la routine de vie , sur laquelle éclataient ses instants de génie. C'est un tableau qui ne manque pas de dignité.

• Voir les détails sur les outils de la ferme, dans le cbap. vi de Northern rural Life in Ihe XVIlIif^ Century, qui leur est consacré. — ^'oir aussi ailleurs les détails donnés par Allan Cuiiningham à Lockhart. Life of Burns, p. 199.

- Voir John Wilson, ouvrage cité. — Rural Life in Ihe XVIIUh Century, p. 2 et le chap. XII.

3 Léonce de Lavergue, p. 329.

^ R. Ghambers, tora. III, p. 132, d'après les souvenirs de William Clarke qui avait travaillé chez Burns.

S Ch. Rogers, Scotland social, etc., p. 83.