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pur. Beaucoup de ses pièces qui, pour l'inspiration, le sujet, les images, sont écossaises et se rapprochent de ses anciennes productions, sont écrites en langue littéraire. De ce nombre sont : la Lamentalion de Marie, reine d' Ecosse; \ Élégie sur miss Burnet,]ii charmante fille de lord Monboddo morte de phthisie, la Lamentation sur son protecteur James Glencairn, ses vers à Marie dans le ciel. Son maniement de l'anglais est pariait et quelques-uns de ses morceaux sont des chefs-d'œuvre. Cependant si l'on veut voir ce que sa pensée perd quelquefois à abandonner sa langue natale, on peut comparer sa pièce sur Un Lièvre blesse\ écrite en anglais, avec la pièce A h Souris. Malgré la beauté de certaines strophes de la première, il y a plus d'accent et de détail de vie dans la seconde.

Heureusement une circonstance le maintint dans l'emploi de sa langue maternelle. Pendant son séjour à Edimbourg, il avait fait la connaissance d'un graveur nommé James Johnson. Celui-ci avait formé le projet de publier une collection des chansons écossaises, en y joignant les airs avec accompagnement sur le piano. Burns, dévoué à l'ancienne poésie de son pays, lui promit son aide, soit pour réunir les chansons, soit pour les modifier de façon à les rendre présentables, soit pour en fournir de lui- même. Il se passionna pour cette entreprise et s'y donna tout entier, à ce point que le recueil de Johnson, dont les volumes paraissaient à intervalles éloignés, ne comprend pas moins de 180 chansons composées ou retouchées par lui. Jamais — et c'était une des formes les plus fièrcs de son désintéressement — il ne voulut entendre parler de rémunération pécuniaire. Il se contenta de demander quelques exemplaires de chaque volume pour offrir à ses amis. Pendant son séjour à Ellisland, il est à chaque instant occupé à envoyer des chansons à Johnson. Elles com- prennent quelques-unes de ses plus fameuses : Le Temps Jadis, John Anderson, EppieAdair, tout un groupe de chansons patriotiques et histo- riques comme la Bataille de Sherramàr , les Hauteurs de KilUecrankie, et une quantité considérable de chansons populaires, familières, narquoises, moitié comiques, moitié attendries, où il versa désormais, par goutte- lettes, son humour et son observation de la vie. Cette contribution au recueil de Johnson marque un changement complet dans la production de Burns. On a vu que le volume de Kiluiarnock ne comprenait, pour ainsi dire, que de petits poèmes populaires et pas de chansons. Désor- mais, Burns n'écrira plus guère que des chansons ; elles seront presque exclusivement le produit de la seconde moitié de sa vie.

Il y eut pourtant à Ellisland, une exception, un moment qui rappelle ceux de Mossgiel, qui, en réalité, estundesmomentsdeMossgiel vécu en arrière. Ce fut celui où il composa son inimitable Tam de Skanter, son plus puissant éclat de rire, son chef-d'œuvre au gré de tant de bons juges. C'était dans l'automne de 1790. Il passa une partie de la journée à se prou'euer de long en large sur son sentier favori au bord de la rivière.