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Dans la société , la haine des tories contre toute tendance libérale se faisait sentir d'une façon plus violente encore qu'en Angleterre. Comme toutes les places et toute l'influence étaient entre leurs mains, ils frappaient de proscription ceux qui étaient connus pour leurs principes whigs ou qui étaient soupçonnés d'en avoir. Les jeunes gens qui en- traient au barreau marqués de cette tache voyaient toutes les portes officielles se fermer devant eux ; les juges leur étaient hostiles ; les affaires s'éloignaient d'eux *. Plusieurs furent contraints de s'exiler d'Edimbourg et d'aller à Londres. Même autour des avocats connus, le vide se faisait,

■s.

« Le pays, dit Mrs. Flelcher dans son autobiographie, devint alarmé à un point extrême, et les atrocités commises eu France par une faction sans principes, les pires ennemis de la lilierté, produisirent une telle lioireur en Ecosse, spécialement dans les classes élevées, que tout homme était considéré comme un rebelle qui ne soutenait pas les mesures tory du gouvernement. Mr Fletcher néanmoins resta Adèle à ses principes whig. . . A cette époque, et pendant plusieurs années plus tard, telle était en Ecosse la terreur des principes libéraux, qu'aucun membre du barreau qui les professait ne pouvait espérer une clientèle. Comme il n'y avait pas de jury dans les affaires civiles, on croyait que les juges ne décideraient pas en faveur d'un plaideur qui aurait employé un conseil whig. . . Nous fûmes souvent, à cette époque, réduits à notre dernière guinée ; mais telle était ma sympathie pour les sentiments publics de mon mari, que je ne me rappelle aucune période de ma vie mariée qui ait été plus heureuse que celle où nous souffrions à cause de notre conscience. ^ »

Il fallait, pour résister à cette conspiration, la vaillance et la gaîté de cette charmante femme. Un petit fait qui revient à sa mémoire indique jusqu'à quel point cette haine des Tories portait le trouble dans les existences particulières.

« Au printemps de 1 795, nos amis, Mr et Mrs Millar, partirent pour l'Amérique, bannis par le Ilot puissant de la rancune tory qui assaillait si sauvagement Mr Millar. Il avait fait partie de la Société des Amis du Peuple. 11 perdit son occupation profes- sionnelle, bien que ce fut un homme très capable et très honorable ; il éprouva un tel dégoût de l'état des affaires en Ecosse qu'il prit la résolution d'aller chercher la paix et la liberté aux Etats-Unis d'Amérique. Je ressentis le départ de Mrs Millar comme une grave perte. Deux ans plus tard elle revint, veuve ; et notre amitié dura jusqu'à sa mort. 3 »

On n'imagine qu'à peine jusqu'où allait cette haine. « Le grand objet des Tories, dit Cockburn, était d'injurier tout le monde excepté eux-mêmes, et en particulier d'attribuer une soif de sang et d'anarchie, non seulement à leurs adversaires publics déclarés, mais à l'ensemble du peuple*. » Une

1 Lord Cockburn. Memoi'ials, p. 80. - Autobiography of W-f Fletcher, p. 65.

3 Autobiography of M^« Fletcher, p. Tl.

4 Lord Cockburn. Memorials, p. "72.