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société civile ». Le l^"" février, la Convention avait déclaré la guerre à l'Angleterre. Le commerce était arrêté ; les fortunes et encore plus les industries s'écroulaient de tous côtés; les ruines s'accumulaient; le nombre des banqueroutes avait quadruplé en Ecosse *. Burns écrivait à son ami Peter Hill, le libraire d'Edimbourg :

« J'espère, j'ai confiance que cette rafale de désastres, par laquelle ont été renversés tant et tant de dignes personnages qui, il y a quelques mois, prévoyaient peu une pareille chose, épargnera mou ami.

Ah ! puissent la colère et la malédiction du genre humain hanter et harceler ces mécréants turbulents et sans principe, qui ont entraîné un peuple dans cette ruineuse aventure. ^ »

Lui-même souffrait de la difficulté des temps. La guerre avait arrêté l'importation ot supprimé le surcroît de traitement qu'il eu retirait, il était obligé d'écrire une lettre comme celle-ci pour emprunter un peu d'argent :

« Ceci est une lettre pénible et désagréable, la première de ce genre que j'aie jamais écrite. Je suis vraiment en une sérieuse diHresse faute de trois ou quatre guinées. Pouvez-vous, cher Monsieur, me les prêter? Ces moments maudits, eu arrêtant l'importation, ont, pour cette année, du moins, retranché un gros tiers de mon revenu, et avec ma nombreuse famille, c'est pour moi une affaire malheureuse 3. ))

A ces causes toutes locales et personnelles s'ajoutaient l'agitation uni- verselle, la fièvre que les échos et les grondements de catastrophes loin- taines excitaient en tous, des tressaillements continuels que causaient des nouvelles grandioses et terribles, une sorte de tumulte qui s'était emparé de toutes les âmes et qui rendait possibles partout toutes les folies et tous les héroïsmes. Ce n'étaient pas des temps ordinaires ; les esprits étaient hors de leurs gonds, un trouble puissant était dans l'air, et Burns, plus que tout autre, le ressentait. Aussi, malgré les avertisse- ments qu'il avait reçus et le danger qui l'avait menacé, ne pouvait-il s'empêcher de laisser échapper des imprudences qu'il essayait de rattraper ensuite. Un jour, il offre à la bibliothèque populaire qu'il avait fondée, le livre de de Lolme sur la Constitution anglaise. Le lendemain matin, il accourt chez le prévost Thomson pour lui redemander à voirie livre, parce qu'il avait écrit quelque chose qui pourrait lui amener des ennuis; et il efface la phrase suivante : « M. Burns présente ce livre aux membres de la Bibliothèque et les prie de l'accepter comme une charte de la liberté anglaise, jusqu'à ce qu'ils en trouvent une meilleure * ». Un

1 R. Chambers, tom IV, p. 1.

2 To Peter Hill, April 1193.

3 Tojohn Mac Murdo (lettre v).

  • 1^. Chambers, tom IV, p. 35.