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supprimerait, mais ces méchancetés et ces insultes contre une femme qu'il avait offensée. Cependant une réconciliation eut lieu plus tard et par personne sa mémoire n'a été défendue avec plus de foi que par Mrs Riddell.

Ce ne sont plus là des excès accidentels, c'est l'habitude de l'ivresse. Par ces extraits, on sent qu'elle devient, non-seulement plus fréquente, mais plus brutale, plus lourde, plus agressive. Elle a encore des éclats d'esprit, mais d'un esprit plus rude et plus sombre, et elle n'a plus la gaîté. Quelquefois, un éclair revenait de l'ancienne belle humeur, de l'ancienne insouciance, de la sociabilité charmante de jadis. Mais ces moments d'ivresse claire et joyeuse étaient rares, maintenant; ce n'étaient plus les soirs de Mauchline, ni même ceux d'Edimbourg. Une sorte d'épaississement et d'alourdissement se sent sous ces excès. L'ivresse s'attristait en lui, symptôme grave ; le lendemain de ces nuits trop fréquentes, arrivait le cortège des regrets, des remords, des dégoûts, des hontes, comme celles qu'on a viies, le mécontentement de lui-même, l'affaissement physique. Un matin d'été, en rentrant chez lui, il rencontre son voisin le forgeron qui s'était levé de meilleure heure que d'habitude. Quoique encore troublé par la boisson, il fut frappé du contraste : « O Georges, lui dit-il, vous êtes un homme heureux, vous venez de vous lever d'un sommeil rafraîchissant et vous avez quitté une femme et des enfants heureux, tandis que je retourne vers les miens, comme un misérable condamné par lui-même ^ »

A la suite de sa scène chez M. Riddell, il fut pendant plusieurs semaines dans un état véritablement digne de compassion. Le chagrin qu'il ressen- tait de cette rupture, le scandale, la peine d'être abandonné par de fidèles amis, alors que tant d'autres le désertaient, la sensation du blâme silencieux qui l'environnait, d'autres causes qu'il indique, tout cela ten- dait son esprit jusqu'aux limites dernières du désespoir. Il écrivait le 25 février 1794, à Alexandre Cunningham :

« Peux-tu secourir un esprit malade? Ta parole peut-elle rendre la paix et le calme aune àme ballottée sur une mer de troubles, sans une étoile amicale pour guider sa course, et redoutant que la vague prochaine ne l'engloutisse? Feux-tu donner, à un être tremblant sous les tortures de l'incertitude, la stabilité et la dureté du l'oc qui brave la rafale? Si tu es impuissant de la moindre de ces choses, pourquoi viens-tu me troubler dans ma misère en l'informant de moi?...

Depuis deux mois, je suis incapable de soulever une plume. Ma constitution et mon corps ont été nb origine affligés d'une profonde et incurable infection d'hypocondrie, qui empoisonne mon existence. Dernièrement des ennuis domestiques, et une part pécuniaire dans la ruine de ces temps maudits, des pertes qui, bien que modiques, m'étaient cependant pénibles à subir, m'ont leliemenl irrité, que, par instants, le seul être qui puisse envier mes sentiments serait un esprit réprouvé entendant la sentence qui le condamne à la perdition.

Es-tu versé dans le langage de la consolation? J'ai épuisé, dans mes réflexions, tous

1 R. Chambers , tom. III , p, 261.