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fut sans action sur sa vie. A aucune des crises où un contrôle supérieur peut nous soutenir ou nous réprimer, on ne la voit paraître. Elle ne semble pas avoir comporté à ses yeux de sanction bien nette. La sanction du châtiment n'y figure pas. La seule qu'il y introduise est une récompense, tenue en réserve pour ceux qui possédèrent pendant leur vie une bonté généreuse et une certaine disposition bienveillante envers toutes les créatures, quelles qu'aient d'ailleurs été les fautes qu'ils aient commises.

Pauvre Fergiisson ! s'il y a une vie au-delà de la tombe, ce qui existe, j'eu ai la confiance, et s'il y a un Dieu qui gouverne toute la Nature, ce qui existe, j'en suis sûr, lu goûtes maintenant l'existence dans le monde glorieux, où le seul mérite du cœur est ce qui distingue l'homme ; où les ricliesses, privées de leur puissance d'acheter le plaisir, retournent à la matière sordide d'où elles sont nées ; où les titres et les honneurs ne sont plus (jue les rêveries abandonnées d'un songe vain ; et où cette lourde vertu, qui est l'effet tout négatif d'une stupidité paisible, et ces folies imprudentes, quoique souvent désastreuses, qui sont les aberrations inévitables de la frêle nature humaine, seront jetées également dans l'oubli comme si elles n'avaient jamais existé*.

En réalité, c'était simplement une religion d'imagination, moins encore, une aspiration, un souhait. Il n'a fait que demander à un état futur la continuation de la vie présente, de ce mode de vie qui était tout pour lui : l'amour, et après celui-ci, l'amitié. Il avait besoin de croire que les tendresses et les affections d'ici-bas ne périraient pas, et, de ce rêve, il avait fait une religion, ou il avait créé une religion pour réaliser ce rêve. Le dogme principal et on peut dire le dogme unique était cette espérance dans une réunion céleste. Le passage suivant manifeste bien l'origine sentimentale et le champ très limité de cette foi :

Comme presque toutes mes opinions religieuses viennent de mon cœur, je suis mer- veilleusement séduit par l'idée que je pourrai conserver un tendre commerce avec l'ami chèrement aimé, et avec la maîtresse encore plus chèrement aimée (jui s'en est allée pour le monde de l'esprit 2.

Ce n'était guère qu'une façon de prolonger la vie actuelle, la vie ter- restre qu'il vivait avec tant d'intensité. On a vu à propos de Mary Campbell combien cette rêverie lui était familière.

II est trop évident qu'au moment des détresses, une religion de cette sorte ne pouvait être d'aucune utilité. Elle manquait trop de précision et de certitude ; elle était trop distante et trop vague. Tant que les maux sont éloignés de nous, une foi llottante semble un remède suffisant : l'idée de la foi contrebalance l'idée du mal. Mais quand le mal prend corps, se manifeste en maux particuliers qui nous étreignent, il faut, pour qu'il naisse un soulagement, que cette foi s'exprime elle aussi en

1 To Peter Sluart. Aug. n89.

2 To Dr Moore. 28th Feb. 1791.