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encore, et en réalité plus généralisateurs et plus synthétiques, sont ceux qui voient naturellement avec bonté, qui ont recula bienveillance comme un génie et une façon d'être, ainsi qu'à d'autres est échue la beauté ! Ceux-là seuls sont proches de la vie, et leur discours de pardon est, au- dessus même de la prière, le plus noble des bruits humains actuels. C'est avec une telle préparation qu'il faut juger autrui, à moins d'être un méchant.

Celui qui reposait dans le cimetière de Dumfries avait été un homme dans le sens entier du mot, avec tout ce qu'il entraîne de qualités et de faiblesses. C'était une nature fougueuse, qui se précipitait dans le mal comme dans le bien, par générosité d'âme ou exigence d'instincts. Il avait une personnalité violente et impérieuse, dont le sentiment a eu la primauté sur toute sa vie. Elle se manifestait par deux traits caractéris- tiques, qu'il avait bien saisis lui-même en lui-même : l'orgueil et les pas- sions, lesquelles furent les maîtresses et les conductrices de sa vie.

« Je suis, comme la plupart des gens de mon métier, un être étrangement capri- cieux comme un feu-follet; la victime, trop fréquemment, de beaucoup d'imprudence et de beaucoup de folies. Mes deux éléments sont Vorgueil et la passion. J'ai essayé d'humaniser le premier et de le changer en intégrité et en honneur ; la seconde fait de moi, jusqu'au plus ardent degré d'enthousiasme, un fanatique en amour, en reli- gion, en amitié — séparément ou tous ensemble selon l'inspiration i. »

Cet orgueil fut la source en lui de beaucoup de bonnes et de mauvaises choses. Il lui inspira l'idée de sa force, une attitude noble en face du succès aussi bien que d3 la misère, le sentiment, par lui virilement chanté, qu'un homme ne vaut que sa valeur propre, une dignité et une fierté qui le sauvegardèrent toujours. D'un autre côté, comme il était frémissant et ombrageux, il le rendit péniblement sensible à une quantité de petits froissements, à de petites négligences, à de petites inégalités extérieures, qu'il eut du dédaigner. En l'exaspérant sur ces riens, en lui faisant regarder la vie comme mal répartie, il le poussa à la dénigrer, à se placer en dehors d'elle, à la braver, à devenir mécontent et cynique. Quant à l'élément de passion, il était fait des emportements d'un tem- pérament ardent et des rêves d'une belle imagination. Il naissait de son corps et de son esprit. Quelques-uns de ses biographes le représentent comme conduit par ses sens et expliquent ses fautes par un conflit entre ses dons spirituels et une constitution charnelle et terrestre ^. C'est mal savoir de quoi sont faites les amours de poètes. Il y eut bien autre chose dans les passions de Burns ; il y avait de la poésie et des jeux du cœur dans les aventures qui ont été les plus funestes à sa vie et qui sont les plus lourdes à son nom. Il était d'ailleurs violent et excessif en tout. Ses

1 To Clarinda. 28tii Dec. HSl.

2 Principal Shairp. Burns, chap. vm.