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vraiment fatigué, et, si Je ne me trompe beaucoup, je pourrai avec contentement et joie la résigner.

L'âme, inquiète et renfermée en elle-même,

Se repose en errant dans une vie future.

C'est pour cette raison que le 1 5% ■! 6° et 1 T versets du 7* chapitre des Révélations me plaisent plus qu'autant de dizaines de versets dans toute la Bible, et je ne voudrais pas échanprer le noble enthousiasme qu'ils inspirent pour tout ce que ce monde peut offrir. Quant à ce monde-ci, je désespère d'y faire jamais quelque figure. Je ne suis pas fait pour l'agitation des gens d'affaires, ni pour le désordre des gens gais. Je ne serai jamais capable de paraître sur ces scènes, A la vérité je suis tout à fait détaché des pensées de celte vie. Je prévois que la pauvreté et l'obscurité m'attendent, je suis en quelque mesure préparé et je me prépare chaque jour à les rencontrer.

Il me reste juste assez de temps et de papier pour vous remercier des leçons de vertu et de piété que vous m'avez données, qui ont été Irop négligées quand vous me les avez données, mais dont, j'espère, je me suis souvenu avant qu'il soit trop tard i. »

Tels étaient le trouble et l'abattement dans lesquels il se trouvait, aux premiers jours de 1782, car cette lettre était destinée à porter à son père des souhaits pour l'année nouvelle. Evidemment, un grand effondrement s'était fait dans son cœur. Il était à un de ces moments où une cruelle dé- ception jette son ombre devant elle et envoie son amertume jusqu'au bout de la vie. D'un autre côté, sa famille commençait à se débattre dans la ruine. Tout conspirait à rendre son désespoir complet, comme lorsque les malheurs du dehors ont l'air de se concerter avec les chagrins inté- rieurs. Ce sont les heures qui restent douloureuses dans le souvenir, où tout nous abandonne et où les plus robustes énergies faiblissent et s'éva- nouissent dans des défaillances qui semblent définitives. C'est en vain qu'il se tournait du côté de la Bible. Il est facile de voir qu'elle était sans action profonde sur lui. Il n'y trouvait pas l'asile, la consolation, le fleuve de paix intérieure où les fervents lavent leurs angoisses. Il ne se rappela jamais sans frissonner cette noire période de sa vie. Quant à la poésie, elle avait cessé : « Je suspendis, écrivait-il, ma harpe aux saules'.»

Mais il avait trop de jeunesse et de ressort pour que cette lassitude et cette dépression durassent. Il est vraisemblable que les premiers mois furent les plus mornes. Peu à peu, la crise ayant atteint sa hauteur di- minua. Dans la lettre à son père, il parle déjà d'un mieux et de clartés qui commençaient à percer l'assombrissement de sa vie. Par degrés aussi, son esprit de sociabilité lui fut rendu. Il est probable qu'il accueillit ces retours de gaîté avec une sorte de brusquerie à les saisir et à les épuiser, avec cette insouciance téméraire qui suit les grands soucis elles grandes défiances de la vie, quelque chose de dur qui fait qu'on arrache les joies

1 To His Father. Irvine, Dec 27, 1761.

2 Covimon place Book. March 84,