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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/114

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La marque d'un homme n'était pas de suivre droit le chemin, mais d'être poussé par la passion.

Bénédictioa sur la troupe des joyeux, Qui aiment si clièrement une danse ou une clianson, Et ne pansent jamais au bien ou au mal, Par règle et compas ; Mais, selon que les taons du sentiment les piquent, Sont sages ou fous i.

Aussi n'était-il pas exigeant envers les hommes. Il ne les imaginait pas foncièrement pervers, ni non plus excellents. 11 pensait qu'il entrait dans leur composition du bien et du mal. Dès sa jeunesse, il avait dit : « J'ai souvent observé que chaque homme, même le plus mauvais, a en lui quelque chose de bon » ; et après avoir montré que la qualité d'une vie dépend souvent des circonstances, il ajoutait : « Celui qui réfléchirait à tout cela regarderait les faiblesses, que dis-je? les fautes et les crimes de tous les hommes qui l'entourent, avec l'œil d'un frère » ^. Vers le terme de ses jours, il pensait encore « que chaque homme a ses vertus et qu'aucun homme n'est sans faiblesses », que « dévier plus ou moins de la conve- nance et de la rectitude est inséparable de la condition humaine »3. H aimait à retrouver, dans les misérables que le sort a dégradés et la société condamnés, les traces de ce mélange. « J'ai souvent recherché la connaissance de cette partie du genre humain communément désignée sous le nom de chenapans, quelquefois plus que cela ne convenait à la sûreté de ma réputation, de ceux qui, par une prodigalité imprévoyante ou des passions emportées, ont été poussés à la ruine. Quoiqu'ils soient déshonorés par des folies, que dis-je, quelquefois « souillés de fautes et tachés de rouge par des crimes», j'ai troiivé, parmi eux, dans bien des cas, les'plus nobles vertus : la magnanimité, la générosité, l'amitié désin- téressée et même la modestie » ^. C'est pour cette classe d'hommes qu'il senil)lait avoir le plus de sympathie : ses Joyeux mendiants sont un ramassis de canailles, et Tarn de Shanter n'est pas loin d'être un gredin.

Il devait cette absence d'exigence morale, en partie à la clarté de son esprit, mais aussi à la conscience de ses fautes, à sa révolte contre l'hypocrisie qui l'entourait et la rigueur dont il avait souffert. Il la devait aussi au fait de vivre dans une classe de gens peu raffinés d'âme et robustes de tempérament, où l'interdiction morale, comme il arrive chez les paysans, ne pénètre pas profondément, parce que les esprits sont simples et les corps vigoureux, et où s'accomplissent avec naïveté les fonctions élémentaires qui sont les gros ressorts de la vie.

1 Episilc io Major Logan.

2 Common^place Book, March 1784.

3 To Alex. Cunn'mgham, \\^^^ iune ll^l.

4 Common-place Book. March l'784.