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Vertueux , la fameuse Prière de Saint WiUie. Toutes ses Epltres en sont presque exclusivement composées. Il y en a dans tous les coins de ses chansons, dans ses épigrammes, ses épitaphes, ses impromptus , sans parler de l'humour attendri et tout spécial qu'il a dans les pièces oii il s'agit des bêtes. De sa raillerie de la vie humaine , on a déjà des exemples , dans les citations que nous avons faites à propos de sa gaîté et de son observation. Le génie d'un poète ne se décompose pas. C'est un vin qui a les mêmes qualités dans tous les verres où il est versé. Cependant , selon l'année qui l'a mûri et les flacons qui l'ont conservé, il arrive qu'une de ces qualités paraît plus que les autres et prend le dessus. Il y a ainsi des pièces où l'humour de Burns se dégage mieux et se fait goûter plus librement. Nous en pouvons citer, comme exemples , deux morceaux , écrits , l'un tout à fait au commencement , l'autre presque à la fin de sa vie. Ils montrent combien cette faculté était naturelle et a été constante chez lui.

Le premier : La Mort et le Docteur Hornbook est de 1785 , alors que Burns venait de s'établir à Mauchline. Comme presque toujours, le sujet est emprunté à un incident réel. Le maître d'école de Tarbolton, nommé JohnWilson, avait, pour augmenter un peu ses maigres gains, ouvert une boutique d'épicerie. Etant tombé par hasard sur quelques livres de médecine, il les avait lus, et avait joint à son commerce la vente de quelques médicaments. Il avait même mis une affiche où il annonçait des consultations « gratis », dans la boutique. Ce n'était là qu'un pauvre diable, un peu pédant et ridicule. Mais, dans une réunion de francs- maçons de Tarbolton, il eut le malheur de se prendre de discussion avec le poète, et de faire, avec une lourde vanité, parade de ses connaissances médicales. Il ne devait pas tarder à s'en repentir. Comme Burns s'en retournait chez lui le soir , à l'endroit exact où la Mort rencontre le passant, il lui passa par l'esprit une idée qu'il se mit à développer en continuant son chemin ^. C'était le poème dont il s'agit ici, une de ses premières compositions importantes et un des meilleurs spécimens de son humour.

Dès les premiers vers, la raillerie apparaît. Le début est, en effet, pour assurer la véracité de ce qui suit, et mettre les gens en garde contre certaines idées de défiance qui pourraient leur venir. On ne trouverait personne qui, l'ayant entendu, ait encore envie de douter de l'aventure.

Certains livres sont des mensonges d'un bout à l'aulre,

El certains grands mensonges n'ont jamais été écrits ;

Même les ministres, on en a connu

Qui, dans un saint emportement,

Lâchaient quelque forte imposture,

Et la clouaient avec l'Ecriture.

' R. Chambers. Life of Burns, tom I, p. 108.