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Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/149

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Sa stature paraissait de deux longues aunes écossaises ,

La plus bizarre forme que j'aie jamais vue,

Car, du diable s'il avait un ventre ;

Et puis, ses jambes

Etaient aussi minces, étroites et grêles

Que deux bouts de bride.

Avec la jovialité d'un ivrogne , il lui adresse la parole ; rien n'est plus comique que la demi-clarté qui pénètre dans ses idées embrouillées : pourquoi cet étranger a-t-il une faux ? Ce n'est pourtant pas le moment de la moisson.

« Bonsoir, dis-je , ami. — Venez-vous de faucher,

Quand les autres sont occupés à semer ? »

Il sembla faire une sorte de pause,

Mais ne dit rien ;

A la fin , je dis : Mon nom est la Mort ,

Mais ne crains pas. « — Je dis : <' Ma foi ,

Tu es peut-être venu pour couper mon souffle ;

Mais prends garde, mon garçon,

Je t'en préviens, ne te fais pas blesser,

Vois-tu, voilà un couteau. »

La Mort n'a pas mis dans son crâne de faire blêmir une aussi bonne trogne et de la faire passer, selon le mot de Montaigne, de sueur chaude en froide. Elle lui dit de se rassurer et de remettre son couteau dans sa poche. Si elle voulait lui jouer un mauvais tour, elle s'en soucierait comme d'un crachat, h n'est pas fâché de ce qu'il entend ; pourtant sa dignité l'empêche d'accepter cela comme un don. Les ivrognes sont remplis de considération et d'égards envers eux-mêmes ; il veut que ce soit un marché, donnant, donnant.

« Bon, bon, dis-je, soit; c'est un marché; Allons I une poignée de main 1 C'est convenu ; »

Nous allons nous reposer et nous asseoir.

Eh bien ! donne-moi de tes nouvelles ,

Ces temps-ci, tu as été à plus d'une porte

Et dans plus d'une maison ! »