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Burns avait, cela est clair, le désir secret de créer, en Ecosse, un théâtre national. Il sentait, avec sa justesse d'esprit, qu'il est inutile d'aller cher- cher hien loin des sujets de drame ou de comédie, et que l'histoire ou les mœurs d'un pays en fournissent assez, pour l'une ou pour l'autre. Sauf la tragédie de Douglas, de Home, qui était toute récente puisqu'elle datait de 1756, et la pastorale du Noble Berger, d'Âllan Ramsay, qui n'est pas très faite pour la scène, l'Ecosse n'avait pas produit d'œuvres dramatiques. Burns voyait qu'il y avait pourtant, et dans l'histoire écos- saise si pleine d'événements, et dans les manières si pittoresques et si marquées de son pays, les éléments d'un théâtre auquel n'auraient manqué ni la grandeur des péripéties , ni la variété des situations comiques. Avec une grande sagacité', il avait discerné ces deux sources d'inspiration. Une de ses pièces de vers est bien significative sur ce sujet. C'est un prologue, composé pour la représentation à bénéfice d'un acteur nommé Sutherland, directeur du théâtre de Dumfries que Burns fréquentait assidûment. Ces vers sont du commencement de 1790, vers la même époque que la lettre à Peter Hill. Ils montrent qu'il avait réfléchi à cette question, et ils laissent sentir l'ambition d'être le poète dont ils parlent.

A qnoi bon tout ce bruit sur la ville de Londres, Comment cette nouvelle pièce et cette nouvelle chanson vont nous arriver ?

Pourquoi courtiser tellement ce qui vient du dehors ?

La sottise s'améliore-t-elle, comme le cognac, quand elle est importée ?

N'y a-t-il pas de poète qui, brillant pour la renommée,

Essayera de nous donner des chansons et des pièces de chez nous ?

Nous n'avons pas besoin de chercher la comédie au loin,

Un sot et un coquin sont des plantes de tous les sols ;

Nous n'avons pas besoin d'explorer Rome et la Grèce,

Pour trouver la matière d'une pièce sérieuse:

Il y a assez de thèmes, dans l'histoire Calédonienne,

Qui montreraient la Muse tragique dans toute sa gloire.

N'y a-t-il pas de barde audacieux qui se lève et dise

Comment le glorieux Wallace résista, puis tomba malheureux?

Où sont réfugiées les Muses qui produiraient

Un drame digne du nom de Bruce ?

Comment ici, ici même, il tira d'abord l'épée,

Contre la puissante Angleterre et son monarque coupable ;

Et, après maint exploit sanglant, immortel,

Retira son cher pays de la mâchoire de la Ruine ?

Oh ! la scène d'un Shakspeare ou d'un Otway

Qui montrerait l'aimable, la malheureuse reine d'Ecosse I

Vaine fut la toute puissance des charmes féminins

Contre les armes d'une Rébellion furieuse, impitoyable, insensée.

Elle tomba, mais tomba avec une âme vraiment romaine,

Pour satisfaire le plus cruel des ennemis, une femme irritée ,

Une femme, (bien que la phrase puisse paraître rude)