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Malgré tout, ils croyaient encore. Leur confiance s'attrista sans se décourager. Leur espérance s'était voilée de deuil, mais elle attendait sous ses voiles.

Bonaparte accomplit ce que n'avaient pu faire ni Marat, ni Robespierre. Les nobles esprits qui avaient accompagné si loin la France l'abandon- nèrent, quand elle commença à obéir à son « cavalier corse ».

« Maintenant, devenus oppresseurs à leur tour,

Les Français avaient changé une guerre de défense

Pour une de conquête, perdant de vue tout

Ce pour quoi ils avaient lutté i. »>

Et Coleridge, s'adressant à la France, dont il avait salué avec tant d'enthousiasme les succès contre sa propre patrie, lui disait :

« France qui te railles du Ciel, fausse, aveugle,

Patriotique seulement pour des labeurs pernicieux,

Est-ce là ton orgueil, champion du Genre humain ?

Te rapprocher des rois dans le vil désir du pouvoir.

Hurler dans la chasse, partager la proie meurtrière,

Outrager l'autel de la Liberté avec des dépouilles Arrachées à des hommes libres, tenter et trahir ? ^

Ce fut la rupture et un coup plus terrible que tous les autres. Coleridge, avec sa versatilité d'esprit et ses enthousiasmes successifs, se tourna vers

1 Wordsworth. The Prélude, Boolc xi.

2 Coleridge. France^ an Ode. Voir, sur la transformation des sentiments de Coleridge pour la France, quelques pages du livre du professeur Alois Brandi de Prague : Samuel Taylor Coleridge and the English Romanlic School, chap. m, p. 140-44. (English Edition by Lady Eastlake). — Il est intéressant de voir comment les mêmes faits frappaient des esprits différents. Ce qui semble avoir le plus contribué à éloigner Coleridge de la Révolution Française est l'invasion de la Suisse par les Français. Il s'écrie dans son ode, France :

Pardonne-moi, Liberté! O pardonne ces rêves 1

J'entends ta voix, j'entends tes perçantes lamentations

Sortir de la caverne de glace de la froide Helvétie,

J'entends tes gémissements sur ses ruisseaux teints de son sang!

Héros, qui êtes morts pour votre paisible patrie. Et vous qui, dans votre fuite, tachez la neige de vos montagnes De vos blessures saignantes ; pardonnez-moi d'avoir accueilli Une seule pensée pour bénir vos ennemis cruels! Répandre la rage, la trahison, le crime, En des lieux où la Paix avait jalousement établi sa demeure ; Arracher à une race patriotique son héritage ; Tout ce qui lui avait rendu chers ces déserts orageux ; Et, avec une audace inexpiable, Souiller la liberté inoffensive du montagnard. O France , qui te railles du ciel ; fausse . aveugle, Patriote seulement pour des labeurs pernicieux. Est-ce là ton orgueil , Champion du genre humain. Il est curieux de rapprocher de ces vers un passage d'un écrit de Garnot, qui a pour titre : Réponse de L. N. M. Carnot , citoyen français , l'un des fondateurs de la Répu- blique et membre constitutionnel du Directoire exécutif, au Rapport fait sur la conju- ration du 18 fructidor, au Conseil des Cinq-Cents ; par J.-Ch. Bailleul , au nom d'une