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et qu'on retrouve dans des sonnets de Pétrarque S finit par disparaître presque complètement. La sensibilité vraie envahit le morceau et ne laisse plus place à l'habileté de l'artiste. Cela devient simple et touchant.

Oh ! reste, doucement gazouillante alouette des bois, reste,

Ne quitte pas à cause de moi le rameau tremblant ;

Un amant malheureux recherche ta chanson,

Ta plainte calmante et aimante.

Redis, redis ce tendre passage,

Pour que je puisse apprendre ton art touchant ;

Car sûrement il fondrait le cœur de celle

Qui me lue en me dédaignant,

Dis-moi, ta petite compagne fut-elle cruelle ?

T'a-t-elle écoulé comme le vent insouciant?

^ Oh ! rien que l'amour et le chagrin unis

Ne peut éveiller de telles notes de douleur.

Tu parles de chagrin immortel.

De douleur silencieuse et de sombre désespoir ;

Par pitié, doux oiseau, tais-toi.

Ou mon pauvre cœur se brisera 2.

Il faut bien entendre que ce n'est là qu'un coin très secondaire et très artificiel de ses poésies amoureuses. Il suffit de noter que, même sur ce métier de travail purement littéraire qui n'était pas le sien, et pour ce fin ouvrage de ciselure de vers auxquels ses mains n'étaient pas faites, il a égalé ce qui a été fait de plus net et de plus brillant dans ce genre. Et il convient aussi de ne pas oublier que , sauf les quelques plus

1 Sonnet XLUi. La plainte du rossignol lui rappelle celle qu'il croyait ne jamais perdre.

Ce rossignol qui pleure, d'une façon si suave, j^eul-être ses petits ou sa chère compagne, remplit de douceur le ciel et les campagnes de tant de notes mélancoliques et tendres !

Et toute la nuit, il semble m'accompagner et me rappeler ma cruelle destinée ; car je n'ai pas à me plaindre d'un autre que moi ; car je ne croyais pas que la mort eût pouvoir sur les divinités ....

Sonnet Lxxxix. Le chant triste d'un petit oiseau lui rappelle ses propres chagrins.

Bel oiselet qui vas chantant ou pleurant tes jours passés, en voyant la nuit et l'hiver à tes côtés, et le jour ainsi que les mois joyeux derrière tes éj^jaules !

Si, comme tu connais tes maux pesants, tu connaissais mon état semblable au tien, tu viendrais dans le sein de cet inconsolé pour partager avec lui les douloureuses plaintes.

Je ne sais si les parts seraient égales ; car celle que tu pleures est peut-être en vie, tandis que la Mort et le Ciel sont tant avares pour moi.

Mais la saison et l'heure moins propice, ainsi que le souvenir des douces années et des années amères, m'invitent à te parler avec pitié. •

{Sonnets et canzones après la mort de Madame Laure).

Nous empruntons ces sonnets à la très belle ti-aduction de M. Francisque ReynarJ, si poétique, si colorée, et qui rend si bien l'étonnant sentiment pittoresque et les qualités de peintre de primitives fresques italiennes, qu'il y a dans Pétrarque.

2 Address to the Woodlark.