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attelages de charrues se croisent emveloppés d'une buée légère, soit que les moissonneurs avancent en faisant reculer les blés devant eux ; jusqu'au fond de la plaine éclatent, çà et là, l'éclair des rocs ou des faux, tandis que s'élèvent au loin les fumées des fermes. Il y a, dans cette contem- plation de l'activité humaine, (juclque chose de rassurant et de noble. Ce n'est pas la nature menaçante et solitaire, c'est une nature à notre taille, qui porte un visage ami, conquise par l'homme et l'en remerciant.

II.

LA TENDRESSE POUR LES BÊTES.

Dans cette animation de travaux champêtres qui fait une partie du sen- timent de la nature dans Burns, il y aurait à extraire tout un chapitre sur les animaux. Ce sont surtout ceux qui vivent avec l'homme : chiens, vaches, moutons, chevaux, les animaux qui peuplent une cour de ferme. Est-il besoin de dire qu'il les connaît admirablement? En cela, il n'est comparable qu'à La Fontaine. C'est la même observation, la même bonho- mie, la même familiarité, avec une pointe de raillerie. Il y a cependant quelques différences. La Fontaine a toujours une préoccupation humaine ; il donne à ses bêtes nos vices ou nos travers ; il les rend vicieuses ou ridicules à notre ressemblance ; il les complique à notre image. Il a pour elles une indulgence narquoise, mais c'est celle d'un vieil observateur qui connaît bien les défauts du monde et en sourit, sachant qu'on ne les guérira pas. Chez Burns, il y a plus de simplicité dans les bêtes et dans les sentiments qu'il a pour elles. Ce sont les animaux tels qu'ils sont, innocents à leur manière , sans rouerie tout au moins, et avec cette ignorance de leurs défauts qui les rend pardonnables comme les enfants. Leur Ame ne sort pas d'un état d'enfance confuse. Burns les aime ainsi, tout franchement, non en moraliste curieux qui s'en amuse, mais en homme qui s'en sert et les pratique^ qui apprécie leur obéissance, leur patience au labeur, leurs bonnes qualités, et qui leur sait gré de leur aide. Il n'y a pas, dans toute son œuvre, un seul passage où il en parle avec dureté et avec colère. L'amertume qu'il avait parfois à l'égard des hommes n'est jamais entrée dans ses relations avec les bêtes. Sa façon de leur parler est faite d'humour affectueux, et il n'a jamais mieux réussi ce mélange d'attendrissement et d'un peu de raillerie que lorsqu'il s'est adressé à elles. Il a sur elles tout un groupe de pièces qui sont parmi ses plus originales et ses meilleures. Il suffit d'en examiner quelques-unes, car il est impossible de négliger ce côté caractéristique de son génie.

Une de ses premières productions : La Mort et les Dernières Paroles de la pauvre Mailie, ^piiâTtienl à ce groupe de pièces. Toute sa bonhomie