Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/389

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voit passer les averses frangées d'arcs-en-ciel \ et les frissons noirs que le vent fait courir sur les vagues ' ; ailleurs, la lune répand son lustre, et le brouillard jaune qui remplit l'atmosphère boit sa lumière jusqu'à s'en remplir ^ ; s'il regarde un coucher de soleil, il remarque que les lignes d'or suspendues aux nuages couleur de cendres descendent jusqu'aux pointes lointaines du gazon et jusqu'aux têtes blanchâtres des pissenlits *. Coleridge note les épis retenus par les haies des sentiers étroits s ; le petit cône de sable qui danse silencieusement au fond d'une source ^ ; les glaçons qui, au bord des toits, brillent paisiblement sous la lune paisible ' ; le double bruit de la pluie : le bruit net, tout auprès et le murmure confus, autour *; ou bien, appliquant la même pénétration de regard à des objets plus vastes, il observe combien, tout derrière le mont Blanc, un peu avant l'aube, l'air semble compact, noir, une masse d'ébène où la montagne pénètre comme un coin d'argent ^. Keats saisit le reflet dont les nageoires satinées et les écailles d'or des poissons allument l'eau ^; Tennyson, le luisant des bourgeons de marronniers ou l'iris plus vif que le printemps met au col bronzé des tourterelles ^^ Tous ces effets, jamais l'œil humain ne les avait discernés, détachés du fonds commun des crépuscules, des aurores, des printemps antérieurs. On a tout exploré, jusqu'aux volcans, jusqu'aux galeries souterraines des mines, jusqu'aux profondeurs des mers *2. A cet exercice, la poésie est devenue merveilleusement habile. Elle s'est enrichie et renouvelée. Mais ces qualités nouvelles n'ont pas été sans quelques défauts. C'est quelquefois l'excès de richesse, la luxuriance de détails, un fouillis qui étouffe le paysage ; et partant, la confusion ; le lierre cache l'arbre. C'est souvent le cas dans Keats et dans Shelley. Pour les poètes plus sobres, comme Tennyson, le danger est de peindre la nature avec quelques traits exceptionnels ou trop particuliers, et d'omettre les traits essentiels sur lesquels, dans la réalité, les premiers reposent comme les fleurs sur leur rameau. Il en

^ Shelley. Proinetheus, Acte m.

2 Id. Alastor.

3 Id. Alastor

4 Id. The Sunsel.

5 Coleridge. The Three Gi'aves.

6 Id. Inscription for a Fountain on a Healh. "^ Id. Frost at Midnight.

    • là. An ode lo llio Rain.

'•♦ Id. Hymn before Sunrise in the vale of Chamouni.

10 Keats. Imitation of Spenser.

11 Tennyson. Locksley Hall.

12 On trouvera des exemples de ces descriptions souterraines dans V Alastor de Shelley; et de merveilleuses descriplion3 sous-mEuines dans l'acte iv du Promctheus Unbound et dans maints autres passages de Shelley, et aussi dans le livre m de VEndyinion de Keats. Ils avaient, du reste, été précédés par Shakspeare dans sa puissante vision de Clarence {Richard III, Acte i, scène 4).