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influences morales, et par suite les aspects moraux des lieux, où pour la première fois on a attentivement écouté et compris ce verbe de la Nature. Dans cette dernière catégorie si moderne du sentiment de la Nature, Burns n'a pour ainsi dire pas pénétré. Il n'a jamais songé à discerner l'expression morale d'un site. Quand il humanise la Nature, c'est presque toujours, plutôt par une comparaison trop humaine, une simple méta- phore, une rencontre de mots, que à dessein et après une étude de la physionomie particulière des endroits, encore ces essais sont-ils chez lui très rares et indécis. 11 faut fouiller toute son œuvre pour découvrir quelques expressions comme celles-ci : « Le joyeux matin lève son oeil rosé, et les larmes du soir sont des larmes de joie » ^ « quand le doux soir pleure au-dessus des prés » 2, « le matin rose lève son œil, comp- tant tous les bourgeons que la nature arrose de larmes de joie » ^. Le plus souvent, ce ne sont que des comparaisons sans aucune intention. « Quand le jour, expirant dans l'ouest, tire le rideau du repos de la nature »^ « Je cueillerai l'aubépine avec sa chevelure d'un gris argenté, là où, comme un homme âgé, elle se tient à la pointe du jour »^. Ce qu'il y a de plus avancé dans celte direction se trouve dans une strophe écrite pendant le voyage des Hautes-Terres.

Sauvagement, ici, sans conlrôle,

La nature règne seule et gouverne tout,

Dans celte Immeur calme et pensive,

La plus chère aux âmes qui ressentent ;

Elle plante la fortM, répand les eaux.

Pendant la petite journée de la vie, je rêverai,

Et, à la nuit, je trouverai pour abri une caverne.

Où les eaux coulent et les bois sauvages rugissent,

Près du beau château de Gordon 6.

Il faut, pour trouver ces quelques indications si douteuses, passer au crible tout ce qu'il a écrit. C'est insignifiant. Cela ne dépasse pas les idées qu'on atteint parfois involontairement par la seule force des mots et des images.

C'est qu'il est toujours sur le terrain des sentiments et qu'il ne sort jamais de sa passion pour s'occuper de la Nature en dehors de lui-même. Il est en cela fidèle à la tradition humaine , mais il est hors de l'étude attentive et psychologique des choses, et il n'est pas dans les préoccupa- tions de la poésie moderne.

1 Logan Braes.

2 Aflon water.

3 Sleepest thou or wakesl thou,

4 Dainty Davie.

^ Oh, Luve will venlure in, 6 Slream that Glide.