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Klle a tout un monde de trésors préparés

Pour enrichir les cœurs et les esprits :

Une sagesse spontanée, exhalée par la santé,

La vérité exhalée par la galté.

Une impression venant d'un bois printanier

Peut vous enseigner plus sur l'homme,

Plus sur le bien et le mal moraux,

Que tous les sages ensemble.

Douce est la science que donne la Nature ;

Notre intelligence affairée

Déforme la beauté des choses,

Et tue afin de disséquer.

Assez de Science et d'Art,

Fermez ces froids feuillets.

Venez, sortons, et apportez avec vous

Un cœur qui veille et qui sache recevoir i.

On pourrait croire qu'il est à peine possible de saisir cette insensible pénétration de l'homme par la Nature, ces moments où elle s'épand en nous en noyant notre conscience, ces minutes trop profondes pour des mots. WordsNvorth les a pourtant aperçus, avec une délicatesse et une subtilité qui font de lui un psychologue presque aussi pénétrant qu'il est grand peintre de la Nature. Avec quelle finesse il note ce petit choc imperceptible et cette surprise , par lesquels une âme perdue se réveille tout à coup et s'aperçoit qu'elle déborde de nature.

Alors quelquefois, dans ce silence, lorsqu'il était suspendu

A écouter, un faible choc de douce surprise

A transporté loin dans son cœur la voix ,

Des torrents montagneux ; ou bien la scène visible

Entrait, sans qu'il le sût, dans son esprit.

Avec son décor solennel, ses rochers,

Ses bois, et ce ciel mouvant, reflété

Dans le sein de l'immobile lac 2.

Ces heures de divine réceptivité, ces moments mémorables et consacrés, Wordsworth les a décrits avec de merveilleuses ressources de langage. Il a su exprimer des états d'âme presque inexprimables et qui n'avaient jamais été révélés. C'est une contemplation qui, peu à peu, se spiritualise ; la scène extérieure, tout en persistant avec sa netteté et ses détails, s'affine, devient immatérielle, se change en rêve ; elle passe du dehors dans l'âme qui la contemple, avec une ineffable douceur, entrant en elle, se transformant en elle. Sensations intraduisibles et désespérantes

1 Wordsworth, The Tables lurned. . 2 Id. Poems of the Imagination. There was a Boy.

11. 25