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elle me jeta parmi de vieux délinquans qui me corrompirent ; elle me flétrit d’un supplice public, et de ce jour, diffâmé, repoussé de tous, il m’a fallu vivre de crimes. » Et quand cet homme arrive à grand pas à la fin de sa carrière, c’est-à-dire à la potence, quand il est en présence de la mort, qu’il rentre en lui-même, qu’il reprend toute sa sensibilité d’homme, descendez dans son cachot, voyez-le se tordre, gémir, prier sur son misérable grabat, déplorer ses crimes, invoquer la miséricorde de Dieu au moment où celle des hommes lui est pour toujours retirée, et alors, si vous le pouvez, contemplez ce spectacle d’un œil sec !

Peu de sociétés, eu égard au nombre de la population, comptent autant de criminels que la nôtre. Il faut attribuer ces progrès effrayans du vice à des causes souvent indiquées, aux imperfections du code pénal, dont la sévérité est un gage certain d’impunité, à l’usage des peines afflictives et flétrissantes, au système pernicieux des prisons, au manque de maisons de réfuge pour occuper les vagabonds, et de Pénitentiaires pour réformer les condamnés.

Dans l’état actuel des choses, quand un homme a le malheur de tomber dans nos Prisons, il est perdu : il n’y a plus pour lui de barrière du premier au dernier pas ; le chemin du vice lui est aplani d’un seul coup ; les plus heureuses dispositions ne peuvent le sauver de l’influence de l’air corrompu qu’il respire.

Voilà pourquoi nous avons dit que l’histoire des crimes peut être une tâche philantropique, si elle a pour objet d’appeler l’attention du Législateur aux malheurs et aux dangers du débutant dans le sentier du vice. C’est dans cette vue que nous avons pris la peine de rédiger ces mémoires. Nous nous avouons infiniment au-dessous de notre tâche, quant à sa partie morale et politique ; mais si par l’exposition des faits nous réussissons à faire sentir le vice radical de nos lois criminelles, nous en aurons fait assez pour mériter de l’indulgence sur le reste.

« Oui, » — dit Waterworth, « je désire donner toute l’histoire de nos crimes ; car je vois à-présent où cette vie m’aurait conduit, et je veux l’abandonner. Je dois à la société que j’ai si cruellement offensée une réparation, en l’instruisant des détails de ce complot. Je ne dirai pas un mot qui ne soit la vérité, et, s’il le faut, je n’omettrai pas une circonstance. Après cela, j’entends quitter ce pays pour toujours : aussi bien mes jours n’y seraient pas en sûreté. C’est avec regret sans doute que j’ai déposé contre des hommes auxquels je tenais par les liens de l’amitié, par un funeste attachement, mais nous étions liés pour le crime, et la conscience, qui parle tôt ou tard, dégage de ces coupables sermens. Moi-même, j’ai peine à me rendre compte des événemens rapides et extraordinaires qui viennent de se passer, depuis notre première offense jusqu’à ce jour.