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Gillan, levant les mains au ciel, s’agenouillant avec ferveur, se roulant sur sa couche, se battant la poitrine, versant des pleurs, étouffant de soupirs et de remords ; Gillan, indiquant seul une véritable douleur, et seul capable de dire peut-être avec vérité : « Je vais mourir, mais je suis innocent ! » Quand nous lui avons adressé la parole : « Oui, » nous a-t-il dit, « je suis un meurtrier, et le meurtrier de mon meilleur ami ! j’étais ivre, exaspéré, furieux ; nous étions dans un corps-de-garde, sans lumière, sans nous connaître ; moi, je ne savais ce que je fesais ; un couteau m’est tombé sous la main, j’ai frappé, j’ai tué mon meilleur ami… Ah ! quel malheur ! quel malheur ! — Vivre dans un cachot avec des scélérats, et mourir dans trois jours… C’est horrible ! Ô maudite ivresse…! que tu m’as été fatale ! »




Le lendemain Cambray, Gillan et Mathieu surent que leur sentence de mort avait été commuée en une sentence de déportation, et que dans deux mois ils partiraient avec les autres pour la colonie de la nouvelle Galles Méridionale. De ce jour, plus de conversion ! Mathieu et quelques autres ont tenté de s’évader par un canal ; Cambray a voulu se rendre malade, en avalant du tabac ; mais le médecin-visiteur a déjoué son projet, en lui recommandant un voyage sur mer pour le rétablissement de sa santé. En effet, le 29 mai, (1837,) vers dix heures du matin, trente-neuf criminels, enchaînés deux à deux, sont sortis de la prison. Cambray et Mathieu étaient à leur tête. Arrivés sous la potence, ils ont fait entendre tous ensemble des hourras répétés, et ils sont descendus tout joyeux vers le Port, saluant celui-ci, appelant celui-là, comme de vieux soldats qui partiraient pour l’armée. Ils ont été mis à bord du Brick Cérès, capitaine Squire, et dès le même soir ils ont fait voile pour les Antipodes.


FIN.