Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/106

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assez abondante pour qu’une institution de ce genre, si elle avait existé, n’y fût pas passée sous silence.

Quant aux textes d’André le Chapelain, auxquels Raynouard accorde tant de crédit, il n’y a qu’une observation à faire, c’est que cet auteur ne connaissait que par ouï-dire les habitudes littéraires du Midi de la France. Son livre reflète les idées qui avaient cours autour de lui, surtout dans la société des comtes de Champagne. Ce que lui-même a connu des troubadours, c’étaient déjà des légendes. Son témoignage est à peu près sans valeur sur ce point. Tout ce qu’on peut dire à sa décharge c’est qu’il fut sans doute de bonne foi, ce qui ne fut pas le cas de Nostradamus.

Il n’y eut donc, dans la société où vécurent les troubadours, ni cour particulière ni cour souveraine pour juger leur orthodoxie amoureuse ; il n’y eut qu’un tribunal, ce fut celui de l’opinion publique, ou plutôt celui du milieu raffiné pour lequel ils écrivaient. Nous avons parlé au début du chapitre d’un code d’amour et d’un code sévère. Il ressemblait aux lois naturelles ; sans être écrit nul part, il était connu de tous, profondément gravé au fond des cœurs. C’est à ses règles que se conformaient les troubadours ; il était un peu comme le code de la chevalerie, si étroit, si rigoureux et que nul juriste n’éprouva le besoin de transcrire. Parler, à propos des troubadours, de lois, de code et de tribunal autrement que par métaphore, c’est transporter dans un passé poétique des conceptions très prosaïques des temps modernes.

Qu’il y ait eu des réunions poétiques dans les châ-