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largesses ; la prodigalité, la magnificence, sont des vertus au même titre que la vaillance, la générosité et la fidélité. C’est sur elles que se fondent les meilleures réputations, c’est par elles qu’elles durent. Arnaut de Mareuil le rappelle, sans cependant trop insister ; mais les troubadours qui suivirent usèrent de moins de discrétion.

Dans la même composition Arnaut de Mareuil, après avoir énuméré les qualités qui font la femme distinguée, connaissance, belles manières, parler agréable, générosité, ajoute : « à la femme convient parfaitement la beauté, mais ce qui l’orne le plus c’est le savoir et la connaissance ».

Rassurons-nous, il ne s’agit pas encore de femmes savantes ; le savoir et la connaissance ne représentent pas autre chose que l’ensemble des qualités de l’esprit et du cœur. C’est avec Arnaut de Mareuil et Giraut de Bornelh que ces idées pénètrent dans la littérature des troubadours. Elles tiennent plus de place chez le second, mais elles sont en germe dans Arnaut de Mareuil. Il y a chez lui une tendance à la poésie morale ; c’est à elle que Giraut de Bornelh devra le meilleur de sa réputation.

Giraut de Bornelh[1] était le compatriote et le contemporain d’Arnaut de Mareuil. Il menait, suivant la biographie déjà citée, une vie édifiante. Et il eut de son temps une réputation si grande qu’on l’appela le « Maître des Troubadours ». Nous savons peu de chose sur sa vie ; la plupart de ses poésies, au nombre de quatre-vingt-dix environ, sont consacrées

  1. Les œuvres de Giraut de Bornelh ont commencé à paraître en édition critique avec traduction (allemande) sous le titre suivant Saemtliche Lieder des Trobadors Guiraut de Bornelh, von Adolf Kolsen (tome I, fasc. 1), Halle, 1907.