Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/56

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ni tenson. » Notons que ce même jongleur doit connaître, d’après notre poète, la plupart des cycles de la littérature épique, depuis la geste « Carlon » — de Charlemagne — jusqu’à celle d’Arthur : Aïol, les Loherains, Érec, Gérard de Roussillon, l’empereur Constantin, Salomon, etc. Toute la lyre !

Voici encore les conseils que donne un autre poète à un apprenti jongleur. « Sache trouver et bien sauter, bien parler et proposer des jeux-partis ; sache jouer du tambour et des castagnettes et faire retentir la symphonie… sache jeter et rattraper quelques pommes avec deux couteaux, avec chants d’oiseaux et marionnettes… sache jouer de la cithare et de la mandore et sauter à travers quatre cerceaux. Tu auras une barbe rouge (?) dont tu pourras t’affubler… Fais sauter le chien sur un bâton et fais-le tenir sur ses deux pieds…[1] »

Tel est le monde étrange avec lequel les troubadours étaient constamment en contact. Sans doute à la belle époque, à l’âge d’or, il dut y avoir des distinctions parmi les jongleurs. Mais combien de temps durèrent ces distinctions sociales ? Et qui pouvait les maintenir ? Il est probable que, si elles ont existé, elles durèrent peu. La confusion des jongleurs et des troubadours commença de bonne heure : avec la décadence de la poésie elle s’accentua rapidement.

Rappelons-nous maintenant les légendes romanesques dont les biographes des troubadours ont entouré leur vie. Vus à travers ces biographies, ou à

  1. La citation est empruntée à l’ensenhamen de Guiraut de Calanson. Ce poème a été publié récemment par M. Wilhelm Keller sous le titre suivant : Das Sirventes « Fadet Joglar » des Guiraut von Calanso, Erlangen, 1905. Le texte est accompagné d’un abondant commentaire. La « symphonie » était un instrument à vent, ou peut-être un « tambour de basque » (Keller, p. 63).