Page:Anglade - Les troubadours, 1908.djvu/71

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consacré à Dieu ; quel est le plus à plaindre des trois ?

L’auteur de la même tenson propose à un jongleur ou à un troubadour le sujet suivant : ou bien il connaîtra à fond tous les arts qu’un clerc de son temps peut savoir, ou bien il sera un parfait connaisseur dans l’art d’aimer. Les deux thèmes sont traités avec maestria par les deux troubadours : celui qui consacre sa vie à la science commence par affirmer que les femmes sont plus trompeuses qu’un « corsaire » ; son érudition lui fournit d’illustres exemples : David, Samson et Salomon. « Je vous plains, répond son partenaire ; vous vivrez triste avec vos « sept arts » (le summum de la science d’alors) qui vous troubleront la vue et l’ouïe, comme il arrive à de nombreux savants qui en deviennent fous. » Pour lui, son choix est fait ; il aime mieux la vie riante que lui promettent la poésie et l’amour.

Voici enfin la question qu’agitent ensemble, dans une tenson, les troubadours Guiraut de Salignac et Peironet. « Qu’est-ce qui maintient le mieux l’amour, les yeux ou le cœur ? » « Les yeux, répond l’un d’eux, car le cœur ne se donne que sur le jugement des yeux. Les yeux sont de tout temps les messagers du cœur. » « C’est dans le cœur, répond l’adversaire, que se maintient le mieux l’amour ; car le cœur voit de loin, les yeux de près seulement. » Les deux derniers couplets sont à citer tout entiers : « Seigneur Peironet, tout homme de haut lignage reconnaît que votre choix est mauvais, car tous savent que le