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Page:Anglas de Praviel - Scènes d’un naufrage ou La Méduse.djvu/34

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et passer sur le radeau ; aux dangers de la mer vinrent se joindre les passions soulevées par le désespoir et dégagées de tout frein par le sentiment de la conservation personnelle et, chacun suivant sa crainte ou son expérience, se glissait dans l’embarcation qu’il croyait la moins dangereuse. Aussi l’instant où l’on abandonna la frégate fut-il un sauve qui peut général.

Les embarcations qui craignaient d’être trop chargées gagnèrent toutes le large. Cet abandon momentané rendait plus nombreuse la foule qui se précipitait vers la corde et cherchait à arriver sur le radeau.

Ce fut alors que mon chef de bataillon m’ordonna de surveiller l’embarquement des soldats qui descendaient sur le radeau. J’obéis. Il me recommanda de ne pas quitter la frégate, que le dernier des militaires ne fût embarqué. J’obéis encore. Il exigea qu’ils n’emportassent ni sabre, ni fusils, ni havre-sacs. Cette mesure, qui devait avoir des suites si funestes, fut suggérée par la prudence : on craignit de surcharger le radeau. Les officiers seuls avaient emporté leurs armes.

Après avoir exécuté l’ordre qui venait de m’être donne, je passai sur le radeau, je m’attachai à la corde, et je parvins avec peine à y arriver. Mais le radeau était déjà encombré ; dejâ Savigny, Corréard et tous les officiers, moins le chef de bataillon et mon capitaine, se trouvaient sur le radeau. Les premiers armés